Enquête

Dans cette commune, où la tempête a fait 27 morts, l’Etat s’est souvent heurté aux élus, en prônant plus de prudence dans les zones inondables.

Par TONINO SERAFINI

La Faute-sur-Mer le 2 mars 2010.

La Faute-sur-Mer le 2 mars 2010. (© AFP Frank Perry)

Après le désastre humain de la tempête Xynthia qui a fait 27 morts sur la seule commune de La Faute-sur-Mer et 29 au total en Vendée, la recherche des responsabilités a commencé. Dans une ambiance tendue. Car depuis plusieurs années, c’est le bras de fer au sujet des zones inondables entre services de l’Etat et élus locaux.

Au centre de la polémique, la question récurrente de l’urbanisation de cette commune, qui comptait 151 habitants en 1929, mais 1 035 aujourd’hui, et pas moins de 40 000 l’été, grâce à une construction massive de résidences secondaires.

Une urbanisation incontrôlée, vu les risques de «submersion marine» ? Des documents que s’est procurés Libération, montrent qu’à partir de 2006, les services de l’Etat ont tenté de faire prévaloir un développement plus prudent. Mais ils se sont souvent heurtés à l’opposition des maires de la Faute-sur-Mer et de l’Aiguillon-sur-Mer, l’autre commune frappée par la tempête avec 2 morts. Les documents, lettres et comptes rendus de réunions notamment, montrent des élus focalisés sur la défense des intérêts bien compris de propriétaires de terrains à bâtir dans leurs communes. Les prix de ces parcelles varient dans une fourchette de 70 000 à 155 000 euros. Mais s’ils sont déclarés non constructibles, ils ne valent plus rien. C’était le cas de certaines parcelles classées en zone rouge par le plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) que tentaient d’imposer les services de l’Etat.

A la Faute-sur-Mer, parmi les propriétaires de terrains, figure la famille Babin, comme le prouvent des actes notariés. La mère, Françoise Babin, est adjointe au maire, chargée de l’urbanisme. Son fils, Philippe Babin, est agent immobilier et promoteur. La SARL Babin, qui possède l’Agence de la Plage, a réalisé, notamment sur les terrains de la famille, des lotissements dans les rues de l’Ostréa et du Chasse-Marée au début des années 2000. Et plus récemment le lotissement des Voiliers, dont des maisons ont été livrées en 2008. La question du conflit d’intérêts peut légitiment être posée sur ces opérations.

«Cuvette». Libération s’est rendu vendredi à l’Agence de la plage pour tenter de recueillir la réaction de Philippe Babin. Refus. Une tentative de contact téléphonique à son domicile, hier, n’a pas davantage abouti. Pour sa part, René Marratier, maire de la commune depuis 1989, nous a indiqué qu’il n’y avait «absolument pas» eu de conflits d’intérêts dans toutes ces opérations immobilières. Et n’a pas souhaité s’étendre sur les questions d’urbanisation dans les zones indondées. Dans les secteurs des Voiliers ou de la rue de l’Ostréa, on compte de nombreux morts. Mais ces maisons, comme d’autres édifiées bien avant dans les rues avoisinantes, ont été réalisées en zone bleue, c’est-à-dire en zone constructible. On se demande comment tout ce secteur, coincé entre l’estuaire du Lay (délimité par une digue) et la mer, a pu être déclaré urbanisable. Force est de constater que jusqu’en 2007, l’Etat comme les élus locaux, ont laissé faire. D’un point de vue topographique, cette zone est une véritable «cuvette», selon les termes de Philippe de Villiers, président du conseil général de Vendée. Si l’eau passe au-dessus de la digue (ce qui a été le cas), les maisons se retrouvent dans un lac avec de l’eau qui monte jusqu’au niveau des gouttières de toit.

Ce n’est qu’à partir de 2006-2007 que l’Etat a commencé à y regarder de près, en voulant imposer un PPRI. Conséquence du plan : des terrains encore disponibles se sont retrouvés en zone rouge et donc inconstructibles. Au grand dam des élus locaux. comme le prouvent trois lettres adressées aux préfets successifs, par René Marratier, et dont Libération s’est procuré une copie. «Avez-vous pensé aux propriétaires pour qui ces terrains représentent le fruit d’une vie de travail et qui du jour au lendemain n’ont plus rien ?» s’insurge le maire de la Faute-sur-Mer dans un courrier de mars 2007. «N’y a-t-il pas là purement et simplement spoliation du bien en question ?» Plus loin, il stigmatise les services de l’Etat, «qui décident des mesures à prendre sans tenir compte de l’avis des élus qui eux sont sur le terrain et connaissent parfaitement les lieux».

«Report». Des lettres du même acabit sont envoyées en janvier 2008 et en octobre 2009. Dans cette dernière, le maire fait part de ses «plus vives réserves quant à l’application des mesures préconisées dans le cadre du PPRI». Raison de sa contestation ? «Depuis plus d’un siècle qu’elles existent, les digues situées sur la commune n’ont jamais cédé». L’Etat de son côté tient à graver le PPRI dans le marbre, jugeant que les communes de l’Aiguillon et de la Faute sont «fortement exposées à des phénomènes de submersion marine» (lire ci-contre). Exactement ce qui s’est produit. Très remonté contre le plan, le conseil municipal de la Faute-sur-Mer ira jusqu’à adopter le 10 novembre 2009 une délibération demandant le «report de trois mois» de l’enquête publique qui l’accompagne. Après coup, la catastrophe a montré qu’il y avait urgence en effet. La question du devenir de ce quartier, meurtri et toujours exposé, demeure.

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