Archive pour le 22 mars 2010

Publié le 22/03/2010 N°1955 Le Point

Émilie Lanez

Depuis la veille, ils scrutaient le ciel plombé. Au crépuscule, ils ont fermé leurs volets, remisé voitures et vélos et interdit à leurs enfants de sortir. Dans les jardins, les arbres grincent. La météo annonce une tempête. L’alerte est rouge. Ce samedi 27 février, ne voyant rien poindre du ciel toujours sombre, les habitants des côtes vendéenne et charentaise se sont barricadés puis couchés. Sans savoir qu’ils se livraient à la nuit, s’offraient à la merci d’une mer déchaînée. Car cette fois, contrairement à la tempête Klaus de janvier 2009, ce n’est pas le ciel qui est tombé sur les hommes. Mais la mer qui les a acculés, noyés, retrouvant dans sa colère les étendues planes d’où les hommes, dans leur cupide désinvolture, avaient cru pouvoir la chasser éternellement. Vers 3 heures du matin, le dimanche 28 février, Xynthia a soulevé l’Océan, s’est engouffrée dans ces zones pavillonnaires, parfois situées au-dessous du niveau de la mer, pour s’épandre. 51 morts, dont 33 en Vendée, 11 en Charente-Maritime, et encore 8 disparus. Comment expliquer qu’une tempête, annoncée depuis sept jours, ait pu, dans un pays organisé, suspendu à sa radio, tuer autant ? A qui la faute ?

Philippe Arbogast dirige le centre de recherche sur la dynamique des tempêtes à Météo France. Le coup de vent a été repéré dans ses services le 21 février. Sur les écrans de veille du centre toulousain, la tempête est quadrillée sur une échelle de 2,5 kilomètres. Assez précis pour une dépression qui s’est nouée à 1 000 kilomètres au sud des Açores. « Lorsque nous avons calculé que cette tempête d’une vigueur exceptionnelle allait souffler sur les côtes au moment précis où la marée culminerait à un coefficient de 102, il fut décidé de placer sous alerte rouge quatre départements : la Vendée, les Deux-Sèvres, la Vienne et la Charente-Maritime. Nous avons alors prévenu l’ensemble des instances de l’Etat. L’alerte a été donnée très tôt et dans des termes précis . » Le système de vigilance existe depuis octobre 2001. Ces neuf dernières années, il y a eu six alertes rouges, dont deux pour des tempêtes. Xynthia est la deuxième. Ces alertes intègrent sept paramètres (inondations, vents, canicules, précipitations…). Tout est prévu, sauf… « la surcote de la mer, un élément que nous étions en train d’ajouter à nos sept paramètres » , remarque Alain Beuraud, du centre de recherche de Météo France. La surcote, c’est lorsque la mer dépasse sa hauteur normale. Ce 28 février, elle fut en certains points (comme aux Sables-d’Olonne et à La Rochelle) de 1,60 mètre. Enorme. Il faut imaginer la tempête comme une ventouse. Placée au-dessus des côtes vendéenne et charentaise, elle aspire l’eau vers le haut. Cette hauteur fut meurtrière, car elle a passé outre les digues, rompu les plus fragiles. En pleine nuit, la masse d’eau a submergé des zones très basses. Triste effet mécanique, ces débordements maritimes empêchent dans le même temps les cours d’eau de refluer. Ainsi, à La Faute-sur-Mer, l’estuaire du Lay déborde et ne peut s’écouler dans la mer, comme il le devrait pour se calmer. Les maisons sont inondées, prises en étau dans l’eau. 25 habitants y mourront.

Prisonniers. « Xynthia incarne le comble de la malchance, remarque Jean Jouzel, climatologue et glaciologue, président du Haut Conseil de la science et de la technologie. Aurait-elle soufflé six heures plus tôt que tout eût été différent . » Pourquoi ? D’abord parce que les habitants n’auraient pas été prisonniers de leurs maisons, surpris dans leur sommeil. « De jour, ils auraient pu voir venir la mer », observe Etienne Kapikian, prévisionniste à Météo France. « On avait prévu l’élévation de la mer, mais nous ne pouvions pas prévoir que les digues rompraient », commente Philippe Arbogast. L’alerte relayée par les autorités (Sécurité civile et préfecture) a-t-elle été suffisante ? « Il est difficile de prendre la mesure du risque extrême. L’Etat aurait-il dû procéder à l’évacuation totale des zones côtières ? La réponse n’est pas simple. C’est un autre risque, très important, de mettre sur les routes des milliers de voitures alors que les vents soufflent à 160 km/h , réfléchit Alain Beuraud. S i on choisit cette option, cela implique que des dizaines de fois on évacuera les côtes pour rien, en vain. » Et comment réagiront les habitants lorsque pour la énième fois on leur enjoindra de tout quitter, qu’ils renâcleront, n’y croyant guère, et que cette fois sera la mauvaise ? « Il existe une contre-culture du risque ; c’est un processus psychologiquement délicat », ajoute Philippe Arbogast. La méthode américaine d’évacuation totale des zones à risque est culturellement différente et motivée par un risque bien plus meurtrier. Il s’agit là-bas de cyclones, non de tempêtes, si violentes soient-elles. « Notre degré de développement nous a conduits à moins nous soucier des caprices de la nature, analyse Jean-Marc Jancovici, climatologue. Nous nous rapprochons toujours plus des bords de l’eau. Les élus ne résistent pas à cette pression foncière, ils oublient que la nature reprend toujours ses droits. Les citoyens, eux, sont schizophrènes. Ils en veulent aux élus lorsque ceux-ci leur interdisent de construire au bord de la mer. Lorsque la mer jette bas leurs maisons, ils le reprochent aux même élus, c’est dingue ! » Dans la région sinistrée par Xynthia, 100 000 logements étaient construits en zone inondable. « Il y a cinquante ans, il n’y avait pas de zones d’habitat sur les côtes, c’est une folie d’avoir oublié la mer », ajoute Alain Beuraud. Ce constat est unanime. Et tragiquement tardif. Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie, a promis d’être ferme. « Je compte durcir les règles, il y a des zones où on ne peut absolument pas construire. » « Il faut être raisonnable et bâtir moins près de la mer », espère en écho Philippe de Villiers, président du conseil général de Vendée. Bien, mais que faire des milliers de logements désormais habités sur les côtes ? Les détruire ? Prier pour que la tempête reprenne ses chemins ordinaires au large de l’Ecosse ? « Xynthia préfigure typiquement ce qu’occasionnera l’élévation du niveau des mers, analyse Jean-Marc Jancovici. Les dommages seront discontinus. Les infrastructures s’étant dramatiquement approchées des bords de mer, plus le niveau monte, plus ces débordements meurtriers surviendront. Nous habitons tous à La Nouvelle-Orléans . » L’alerte est donnée. Sera-t-elle cette fois entendue et écoutée ?

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Zone interdite (mkv)

Des catastrophes pas si naturelle que ça (flv)

Documentaire de l'agence CAPA diffusé sur FR3 (wmv)

Débat avec PPDA sur FR3 (wmv)

Audition du préfet au sénat (flv)

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