Le cabinet d’avocats de la député européenne Corine Lepage défend les sinistrés qui veulent continuer à habiter en zone inondable
ENTRETIEN
Corinne Lepage, avocate, députée européenne et présidente de Cap 21 .
La Croix : Votre cabinet d’avocats Huglo-Lepage défend des sinistrés qui veulent continuer à vivre en zone inondable. N’est-ce pas en contradiction avec vos convictions écologiques ?
Corinne Lepage : La construction en zone inondable est une aberration contre laquelle je me bats depuis de longues années. Cela n’empêche pas qu’il faille gérer les états de fait et étudier la situation des sinistrés. Et cette situation est compliquée.
Parmi les personnes qui veulent rester à La Faute-sur-Mer ou à L’Aiguillon-sur-Mer, certains sont propriétaires de maisons très anciennes, d’autres de maisons plus récentes qui ont été construites dans une zone à risques dont l’aléa inondation a été qualifié de « faible à moyen » dans les documents d’urbanisme et les actes de vente. Cela signifie qu’ils peuvent avoir les pieds dans l’eau.
S’il y a de fait un risque vital, personne n’a envie de mourir. En revanche, tout le monde veut comprendre pourquoi des maisons qui n’ont pas été inondées se retrouvent en zone noire et doivent être détruites, alors que d’autres qui ont été inondées seront maintenues.
Mais cette fois-ci l’État ne se montre-t-il pas exemplaire ?
Je ne suis évidemment pas contre une politique d’interdiction dans les zones à risques. Et je ne dis pas qu’une telle politique n’est pas fondée. Mais, pour l’instant, elle n’est absolument pas justifiée. Nous ne disposons pas des documents qui détaillent les critères retenus pour délimiter ces zones noires. Vous pouvez exiger des habitants qu’ils fassent le sacrifice de leur maison si vous leur expliquez précisément pourquoi. Or, l’État a dit, avec une extrême brutalité : « Vous allez démolir. »
Qu’aurait-il dû faire ?
L’État aurait dû agir de manière concertée avec les élus et les associations et procéder par étapes : déterminer des zones à risques et reloger les habitants le temps que soient menées les études nécessaires pour apprécier au cas par cas s’il faut ou non démolir. C’eût été une démarche légale. Et la réaction des habitants aurait été moins violente.
Voulez-vous dire que les zones noires ne sont pas légales ?
On peut s’interroger. Il y a deux fondements juridiques possibles, les PPRI, ou plans de prévention des risques d’inondations, et la loi Barnier de 1995. À La Faute-sur-Mer, un PPRI provisoire a été adopté en 2007 qui permettait d’interdire de construire et d’habiter dans certaines zones. Mais, faute de plan définitif, il n’autorise pas à démolir. De plus, ce plan ne comportait aucune préconisation pour construire en zone inondable. Autre souci, les zones noires retenues ne coïncident pas avec les zones rouges inscrites dans ce PPRI.
Deuxième fondement juridique : la loi Barnier de 1995, qui crée un fonds d’indemnisation et permet à l’État d’exproprier lorsqu’il y a risque vital en raison de menaces d’éboulement, d’affaissement ou de crue torrentielle. Premier problème, le risque de submersion marine n’était pas prévu. Mais admettons qu’il le soit, il faut aussi apporter la preuve qu’il est plus onéreux de faire les travaux d’adaptation des habitations que de les détruire. La loi, en outre, prévoit d’organiser une enquête publique avant publication de l’arrêté d’expropriation.
Affirmer sans dossier et sans enquête publique que des maisons seront démolies est pour le moins hardi. Rien n’indique que la loi est correctement appliquée. On est dans la précipitation et l’invention juridique, sur fonds de capharnaüm politique avec une multiplication de déclarations contradictoires sur ces zones noires révisables ou intangibles.
Celles-ci ont-elles un avenir ?
Localement, il y aura des destructions, mais, si les limites des zones noires ne doivent pas bouger, il faudra de sérieux arguments pour le justifier. Et si on entre dans cette logique de zones noires, c’est toute la politique française de gestion des risques, restée virtuelle depuis vingt ans, qui doit être revue, non seulement dans les zones inondables, où il serait bon que l’on finisse par appliquer les PPRI, mais aussi dans les zones à risque industriel, où les mêmes plans de prévention n’avancent pas d’un pouce.
Recueilli par Marie VERDIER
3 réponses à to “Corine Lepage remet en cause le tracé des « zones noires » (La Croix)”
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Le cas de Xynthia et du littoral doit faire penser à un traitement plus raisonné et moins passionnel des risques en France pour qu’au moins les responsables et élus; maires au premier plan assimilent le risque et l’urbanisme possible correspondant, dont le respect des zones dangereuses, c’est à dire oser aller jusqu’à ne pas construire, et être capables de l’expliquer à leurs concitoyens. Et si une Mission de plus peut aider…
http://www.france-info.com/ressources-afp-2010-04-23-une-mission-littoral-installee-en-charente-maritime-apres-xynthia-433743-69-69.html
http://www.leparisien.fr/faits-divers/apres-la-tempete-xynthia-les-autres-zones-inondables-23-04-2010-896697.php
« » » »Des dizaines de maisons qui n’ont pas été touchées par la tempête vont être détruites. « » » » » »
Ça c’est scandaleux .
Est-ce qu’on imagine une conjonction meteo plus désastreuse ? Si c’est le cas c’est toute la région du marais qu’ il faut déménager .
Renoncer au tourisme en vendée du sud et sabrer dans les terres agricoles poldérisées lesquelles n’ont plus bonnes presse chez certains écologistes .
Car on parle ici ou là de dépoldérisation .
Quatres articles complémentaires
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2010/04/13/97001-20100413FILWWW00604-xynthia-les-zones-noires-inapplicables.php
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/societe/20100413.FAP8547/xynthia-fne-juge-trop-tardive-l-enquete-publique-promise-par-fillon.html
http://www.lepoint.fr/actualites-societe/2010-04-13/decryptage-comment-ont-ete-definies-les-zones-noires/920/0/443746
http://www.francesoir.fr/catastrophe-naturelle/xynthia-c-est-indigne-d-un-etat-democratique