
La mission commune d\’information sur la tempête Xynthia présente ses premières recommandations
Dans le contexte de l’examen du projet de loi portant engagement national pour l’environnement par l’Assemblée nationale, la mission commune d’information du Sénat sur les conséquences de la tempête Xynthia, que préside M. Bruno Retailleau et dont M. Alain Anziani est le rapporteur, a souhaité faire un point sur ses travaux et présenté ses premières recommandations. Après une nouvelle série d’auditions, elle établira un rapport d’étape d’ici fin mai, avant de produire un document définitif d’ici l’été.
Depuis sa réunion constitutive du 31 mars dernier, la mission a procédé à l’audition de membres du gouvernement, d’élus locaux, de hauts fonctionnaires et d’experts. Elle a effectué, dès les 14 et 15 avril 2010, un déplacement en Charente Maritime et en Vendée pour se rendre compte sur place des dégâts provoqués par cette catastrophe et aller à la rencontre des habitants, des élus locaux et des acteurs économiques, durement éprouvés. Elle s’est rendue mardi 4 mai à Bruxelles pour rencontrer les commissaires européens Michel Barnier et Johannes Hahn, ainsi que les services en charge des questions de protection civile, de prévention et d’indemnisation agricole.
La mission complètera ses travaux dans les prochaines semaines par de nouvelles auditions, des déplacements en Gironde et aux Pays-Bas, avant d’adopter un rapport définitif d’ici l’été.
Des préconisations immédiates
La mission souhaite réaffirmer la position qu’elle a exprimée lors de sa visite sur le terrain en Charente-Maritime et en Vendée les 14 et 15 avril derniers. La mission est favorable au principe selon lequel les terrains exposés à un risque naturel grave avéré doivent être déclarés inconstructibles. Il ne saurait être question de transiger dès lors qu’il existe un danger mortel pour la vie humaine. Pourtant la mission fait le constat d’une très grande confusion dans l’expression publique sur cette question sensible, qui a engendré des réactions vigoureuses d’une partie des populations sinistrées. Aujourd’hui encore il y a un besoin évident de clarification.
La notion de « zones noires » est inappropriée. Il s’agit en réalité de « zones d’acquisition amiable » dans lesquelles l’Etat ouvre un droit pour les propriétaires qui souhaitent vendre leur maison selon une procédure d’acquisition amiable. Le but prioritaire est de permettre une indemnisation rapide dans des conditions favorables pour ceux qui veulent tourner la page le plus vite possible. L’Etat devra veiller d’une part à garantir une juste indemnisation et d’autre part à assurer la rapidité de la procédure.
Les périmètres de ces zones d’acquisition amiable ne doivent pas être considérés comme définitivement figés. Ils pourront faire l’objet d’ajustements lors des deux étapes suivantes :
*
Avant l’enquête publique, des expertises complémentaires préciseront utilement le tracé des zones qui seront soumises à la procédure d’enquête.
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Ensuite, les périmètres définitifs, où pourra s’exercer le mécanisme d’expropriation pour risque naturel majeur prévu par la loi « Barnier » du 2 février 1995, seront déterminés dans le cadre de la procédure contradictoire de l’enquête publique sur la base d’enquêtes parcellaires afin d’établir le risque mortel effectif.
La mission juge nécessaire de mettre en place une procédure distincte et séparée pour chaque zone. Seules les zones présentant un véritable risque mortel doivent être déclarées inhabitables. La mission approfondira sa réflexion sur les modes de construction permettant de maintenir des habitations dans les zones soumises à un risque d’inondation limité tout en assurant en priorité la protection des vies humaines.
Enfin, la mission estime que les « zones mortelles » ne devront pas être laissées à l’abandon. Elle poursuivra sa réflexion sur la reconversion de ces zones. Elle formulera des propositions destinées à compenser les pertes de fiscalité que subiront les collectivités territoriales.
Des modifications législatives
L’examen du projet de loi portant engagement national pour l’environnement doit permettre de :
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Modifier le dispositif issu de la loi « Barnier »
1.
le risque de submersion marine doit être pris en compte dans le champ de la procédure d’expropriation de biens exposés à un risque menaçant gravement les vies humaines.
2.
Les règles applicables au Fonds « Barnier » doivent être révisées afin que ce fonds puisse servir à l’indemnisation des sinistrés dont les maisons sont classées en « zone de solidarité ».
3.
Le plafond d’indemnisation de 60.000 euros doit être supprimé.
4.
Au regard des estimations qui lui ont été présentées, la mission constate que la question de la capacité de ce fonds risque d’être posée. Si nécessaire, un abondement devra être envisagé.
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Relancer les plans de prévention des risques naturels
1.
La mission se prononce pour la mise en place de plans de prévention des risques d’inondation (PPRI) qui soient spécifiques au risque de submersion marine. La submersion marine ne peut être traitée comme un risque classique d’inondation. Elle diffère des autres inondations tant en raison de son effet mécanique soudain et violent que de l’endroit où elle a lieu (un trait côtier soumis à une forte pression foncière). Elle implique un dispositif de prévision beaucoup plus complexe.
2.
La mission juge nécessaire d’accélérer la procédure d’adoption des PPRI et de favoriser leur adoption pour les communes n’en étant pas encore dotées, en fixant un horizon de temps (3 ans).
3.
Elle se prononce pour la définition de grandes règles d’élaboration des PPR afin de créer un cadre clair et homogène sur l’ensemble du territoire.
4.
Le contenu des PPRI devra être renforcé, en prévoyant des règles de constructibilité en fonction de l’ampleur du risque. Il faudra établir un lien systématique entre les PPRI et les PLU
5.
L’aléa de référence pris en compte dans les plans de prévention devra être correctement apprécié en fonction du risque.
Assurer une indemnisation effective et rapide
La mission souhaite que l’Etat indemnise les collectivités territoriales touchées par la tempête Xynthia pour les aider à reconstruire leurs infrastructures en recourant aux deux dispositifs dont il dispose : le fonds de solidarité pour les catastrophes naturelles et le régime de subvention d’équipement pour la réparation des dégâts causés par les calamités publiques.
La mission demande à la Commission européenne de mettre tout en œuvre pour faciliter le versement dans les meilleures conditions d’une aide de l’Union européenne au titre du Fonds de solidarité de l’Union européenne (FSUE). Elle souhaite que soit mobilisé de manière efficace le Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) pour couvrir l’intégralité des dommages non assurables subis par les exploitations agricoles mais également par les conchyliculteurs et pisciculteurs.
Des pistes de réflexion
L’absence de culture du risque empêche d’être efficace dans l’appréhension du phénomène de submersion marine. La mission constate que le manque de coordination entre les différentes composantes de la gestion des risques est la principale cause de défaillance. Prévision, prévention et protection sont traitées comme autant de volets sectoriels, de manière cloisonnée. Face à constat, la mission préconise une approche globale dans la gestion du risque de submersion marine afin de mieux informer et préparer les populations à l’occurrence du risque. La mission déterminera dans la suite de ses travaux les modalités et les instruments adéquats pour promouvoir cette approche globale. D’ores et déjà elle formule plusieurs pistes pour améliorer les trois piliers d’une politique globale de gestion du risque.
Premièrement, la prévision
La mission constate que si la prévision générale de la tempête et de la surcote marine ont été bonnes, en revanche, la prévision des conséquences à terre a été défaillante. La connaissance de la vulnérabilité du littoral est essentielle. Elle repose avant tout sur l’établissement d’une cartographie des risques de submersion marine disponible pour le grand public. Par ailleurs, il faudra mettre au point une nouvelle vigilance, qui intégrera le phénomène « vague-submersion littorale » dans le dispositif de vigilance météorologique. De nombreuses communes ne disposaient pas de plans communaux de sauvegarde (PCS) permettant de prendre des mesures de protection des populations. La mission préconise, dans le cadre d’une approche globale, de parvenir rapidement à l’adoption de ces plans dans les communes soumises à un PPRS. Les secours se sont mobilisés de manière remarquable. Mais certains dysfonctionnements sont apparus dans la phase opérationnelle (défaut de transmissions, réseau de téléphonie mobile hors service). Des solutions techniques doivent être apportées (téléphone satellitaire, mise en place d’un réseau de communications électroniques sécurisées).
Deuxièmement, la prévention
La mission constate que la mise en œuvre des règles d’occupation des sols n’ont pas permis une prise en compte suffisante des risques d’inondation et n’ont pas joué leur rôle de protection des populations. Elle relève dans ce domaine une série de dysfonctionnements qui ont concouru à une forme de dilution de la responsabilité. Pour renforcer l’approche globale du risque dans le droit des sols et de l’urbanisme ; la mission préconise de lier encore plus étroitement les documents d’urbanisme et les PPRS. De même, face à un contrôle de légalité de l’Etat qui s’est révélé souvent lacunaire, faute de moyens, il conviendra de le réorienter sur l’objectif prioritaire de la sécurité des personnes. C’est ainsi que la délivrance des permis de construire dans les zones à risque fera l’objet d’un contrôle de légalité systématique.
Troisièmement, la protection
La mission relève que, lors de la tempête, la submersion et la rupture des digues se sont produites en de multiples points du littoral. A court terme, la mission recommande de procéder à la remise en état et au renforcement des digues fragilisées par la tempête. Elle examinera avec attention les propositions du « plan digue » annoncé par le gouvernement. Celui-ci devra affirmer des principes clairs :
1.
Aucune digue ne devra avoir pour objet de créer une nouvelle urbanisation dans des zones à risques.
2.
Une attention particulière devra être accordée au cordon dunaire qui est un ouvrage naturel de défense contre la mer.
3.
L’aménagement et le rehaussement devront être corrélés au niveau de risque et de protection envisagés.
4.
Le régime de propriété devra être clarifié ; un transfert de propriété publique permettra de clarifier les responsabilités.
5.
Concernant la gouvernance, seule une gestion locale de proximité est de nature à assurer efficacement la surveillance et l’entretien de ces ouvrages.
6.
Le taux de prise en charge de ces travaux par l’Etat ne devra pas être inférieur à 50% et devra être soutenu dans le temps.
9 réponses à to “La mission commune d’information sur la tempête Xynthia présente ses premières recommandations (secteurpublic.fr)”
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Petite synthèse interessante sur les PPRI :
http://carrefourlocal.senat.fr/vie_locale/cas_pratiques/3/index.html
Concernant l’appui apporté aux sinistrés Xynthia par le Conseil Régional de Poitou Charentes :
http://www.lepost.fr/article/2010/04/22/2043970_21-04-10-xynthia-seance-de-travail-au-conseil-regional-les-avocats.html
Pour info,
Conférence de presse du groupe des élus Europe-Ecologie au Conseil Regional des Pays de la Loire du 29/04/2010 :
http://www.lesvertspaysdelaloire.org/newsletter/documents/Confpressederentree-partieXinthia.pdf
http://www.info.expoprotection.com/?IdNode=1311&Zoom=79095585f94bc6cd2d3629ac889f54f9&xtor=RSS-11
«La Gironde est en danger », pour Alain Anziani, qui rappelle que le département a déjà connu des catastrophes naturelles pires qu’en Vendée et en Charente-Maritime : « 500 morts en 1875, 200 morts en 1930. » Et d’évoquer cette spécificité girondine : « Un phénomène d’entonnoir qui démultiplie la force des flots. »
Premières recommandations…SOIT.
Voici quelques infos sur une zone qui est tellement solidaire qu’elle doit disparaître complètement: LA POINTE DE L’AIGUILLON SUR MER .Zone située à 8 kms de l’Aiguillon et La Faute.
Depuis le début de ces tristes évènements, nous avons été plus malmenés par la gestion de la crise que par la tempête elle-même.
En effet la remise en état n’a été que sommairement effectuée : les canalisations d’eau ont été remises ,mais pas raccordées aux maisons même peu inondées voire pas du tout !!! Alors pourquoi tous ces frais ?
La remise en état des chemins détériorés n’a pas été effectuée partout, notamment l’accès aux Sablons avant L’Oasis , pourquoi ? Ces trous béants ne sont-ils pas un danger pour la sécurité publique ou alors à quoi servent-ils ?
Une approche particulière de La Pointe me semble importante : les types de constructions sont variés ( habitations avec permis de construire , habitat sur la domaine maritime : légal en son temps , habitations sans permis mais ayant une existance reconnue, terrains nus, etc … ) :à noter environ une centaine de maisons avec permis de contruire et aucun nouveau permis n’a été accordé depuis de nombreuses années.
La localisation de La Pointe est particulière aussi : zone construite en marge d’ un cordon dunaire préexistant et de prises successives à la mer.Prises renforcées par la protection de la digue dite « Napoléon »et de digues en terre qui sont organisées sur le pourtour de la baie de l’Aiguillon depuis le 18 ième siècle . A noter que des digues en terre existaient encore il y a quelques années à La Pointe .
La Pointe est donc dans une zone poldérisée et de ce fait même est légèrement en dessous du niveau de la mer , raison pour laquelle les terres agricoles plus basses encore ont été si fortement inondées.
Notre sort est lié à la gestion du polder et aux terres agricoles environnantes. La Pointe est sûrement viable à condition de revoir la gestion des digues , revoir la mise en sécurité des résidents et les y associer.
Une étude complémentaire s’impose, libre choix ensuite à chacun de rester ou partir comme ailleurs…
Cordialement à tous.
Je ne sais que penser du forum « immobilier ». Tout cela dépend de la suceptibilité de chacun sur la notion de risque accepté et d’Etat providence. Il me semble que plus généralement la notion de risques de leur prévention n’est pas acquise pour la majorité des Français ( moi y comprise certainement):rappelez vous quand le port de la ceinture de sécurité est devenu obligatoire, plus récemment le gilet et le triangle … que de débats ! Combien de maisons, de voiture ont d’extincteurs, d’alarme de fumée … combien de Français ont suivi les formations aux premiers secours, etc … L’état ne peut pas tout et le risque zéro n’existe pas, à chacun d’entre nous de prendre ses responsabilités. Mais je trouve que l’analyse des faits qui ont amené à ce lourd bilan est assez objective et a le mérite de poser les questions à défaut de réponses appropriées (que chacun peut contester selon ses intérets).
à Jacques Ghémard
Vous avez entièrement raison…
Les personnes qui souhaitent partir et qui ne se trouvent pas en zones d’acquisitions amiables devraient, plutôt que de céder leur maison à l’Etat, pouvoir les proposer aux personnes qui vont se trouver en zone noire (zone d’acquisition amiable)et qui souhaitent rester à la Faute.
L’AVIF devrait pouvoir mettre ces personnes en relation via un « forum immobilier »
Bon, une autre image qui passera peut être
[img]http://www.ippag.fr/photos/vignettes/LAG143.1005.JPG[/img]
A 4 Euros pièce si grande quantités
Je constate dans ce texte un glissement non expliqué.
D’abord : « La mission est favorable au principe selon lequel les terrains exposés à un risque naturel grave avéré doivent être déclarés inconstructibles ». Inconstructible ne signifie pas que l’on doit détruire, mais seulement qu’on ne peut plus rien construire de nouveau et tout juste entretenir ce qui existe.
Esuite « La notion de « zones noires » est inappropriée. Il s’agit en réalité de « zones d’acquisition amiable » ». Très bien. Si ça avait été présenté tout de suite comme ça, tout le monde aurait compris, je suppose.
Mais enfin « Les périmètres de ces zones d’acquisition amiable ne doivent pas être considérés comme définitivement figés. Ils pourront faire l’objet d’ajustements lors des deux étapes suivantes ». Quelles étapes suivantes ? Or il apparait bien que les étapes suivantes, ça consiste à définir les zones à détruire bon gré mal gré. En quoi la définition de telles zones modifierait les zones d’acquisitions amiables ? Mystère et confusions il me semble.
Tout ça basé sur un principe sympathique mais faux « Il ne saurait être question de transiger dès lors qu’il existe un danger mortel pour la vie humaine. » On transige tous les jours à ce sujet. Les risques mortels sont permanent et acceptés. La seule chose que l’on fait c’est de minimiser ce risque et d’imposer les moyens de minimiser ces risques dès lors que ces moyens ne coutent pas trop cher.
L’état impose-t-il des paratonnerres sur chaque maison ? Des extincteurs ? Des portes coupe feu ? Des escaliers de secours ? Non, non et non. Le risque existe mais on l’accepte.
Tiens, par exemple, vous avez ça dans vos voitures ?
[img]http://medias.norauto.fr/images_produits/225×170/163394.jpg[/img]
10 Euros et ça permet de casser les vitres et de couper la ceinture de sécurité pour sortir les passagers d’une voiture tombée dans un canal, par exemple. Avec 500 millions on équipe toute les voitures de France et on sauve au moins autant de vies que celles perdues à la Faute.
Donc vous pouvez accepter le risque et l’état peut accepter que vous le preniez dans déroger à ses principes habituels. Mais il peut vous imposer des mesures raisonnables pour minimiser ce risque et de votre coté vous pouvez aussi investir dans des moyens pour le minimiser, même si l’état ne vous les impose pas.
Et s’il faut quand même définir des zones à détruire, elles peuvent être beaucoup plus petites que les zones d’acquisitions amiables, et certaines maisons acquises à l’amiable pourraient servir à reloger les personnes habitant dans les zones à détruire. Mais je ne vois pas du tout ces idées dans ce rapport de la commission d’enquête. (qui est plus lisible sur le site cité http://www.secteurpublic.fr/public/article/la-mission-commune-d-information-sur-la-tempete-xynthia-presente-ses-premieres-recommandations.html?id=33443&C5=226)