Un an après le passage de Xynthia, retour en Vendée. Ici, 29 personnes ont péri sous les eaux. À la veille des destructions de maisons, des sinistrés décrivent un climat délétère. Et se souviennent.

C’est un quartier coquet avec ses pavillons aux façades claires et aux volets bleus. Un coin de bord de mer dont le nom invite à la douceur: «L’Afu des Amourettes». Il suffit de deux minutes pour déchanter et ressentir une atmosphère oppressante. Ici, au coeur de La Faute-sur-Mer en Vendée, il n’y a plus âme qui vive. Un silence de mort rue des Voiliers, allée du Levant ou route de la Pointe-d’Arcay. Le secteur de carte postale est en partie «en zone noire». Tous ses habitants, consentants ou récalcitrants, ont fait leurs valises après le passage dévastateur de la tempête Xynthia il y a un an. À la fin du mois ou début mars, les bulldozers vont débarquer pour le réduire en miettes: 300 maisons de la «cuvette mortifère» à rayer de la carte.

«Pas la force de revenir»

«Ma femme n’a jamais trouvé la force de revenir, souffle Gilles Souchard, le coeur gros en observant la villa de la rue des Trois-Mâts qu’il a dû abandonner. Nous avons vécu ici vingt-deux ans, raconte ce retraité, relogé aujourd’hui à Luçon. Tous nos souvenirs sont liés à cette maison.» Le dernier est le plus funeste. Dans la nuit du 27 au 28 février 2010, l’ancien agent d’assurances a été réveillé par le bruit de la mer dans la maison. 

«Il était 3h30. Nous nous sommes réfugiés à l’étage. L’eau est montée jusqu’à la quatorzième marche de l’escalier quand la baie vitrée et le garage ont cédé.» Au sec dans sa mezzanine, mais dans le noir, Gilles Souchard a attendu les secours pendant dix heures. «Je ne me plains pas: mes voisins ont passé la nuit dans l’eau.» Et au coin de sa rue, dans une maison de plain-pied, une locataire, seule chez elle, est morte. Elle est sur la liste des 29 victimes de La Faute surprises dans leur sommeil quand le Lay, le fleuve côtier, gonflé par la forte marée, les pluies et le vent violent, a tout englouti.«J’ai repris le dessus. Je tiens le choc, confie Gilles Souchard. Et je pense que j’éprouverai le besoin de revenir pour assister à la destruction de ma maison.»

Quartier «Océanide 2», à quelques centaines de mètres des «Amourettes». Renaud Pinoit n’est pas un sinistré, mais il pose pour la photo devant un pavillon ravagé, comme figé dans le temps. «Un couple d’amis a vécu ici. On en a fait des fêtes dans cette maison…» Ce chef d’entreprise qui joue volontiers les guides dans la cité dévastée, est le porte-parole de l’Association des victimes des inondations (Avif): 1 300 adhérents, plus que d’habitants dans la commune qui compte moins de 700 âmes d’après le dernier recensement. Sa préoccupation du moment: l’organisation de la cérémonie commémorant le premier anniversaire de Xynthia fixée au dimanche 6 mars. Au programme, un lancer de 29 roses blanches dans le Lay.

L’Avif mène d’autres combats. Elle a saisi la justice pour faire la lumière sur les responsabilités. Veille à ce que les sinistrés soient indemnisés. Et dénonce avec force un «système»: celui qui a conduit des élus et des promoteurs à délivrer des permis de construire dans des zones inondables. Dans la ligne de mire de Renaud Pinoit, en priorité, René Marratier, le premier magistrat de La Faute – que CL a tenté de contacter mais qui n’a jamais donné suite aux demandes d’interview -, que Renaud Pinoit a jadis affronté aux municipales.

«Le système Marratier, c’est celui qui lie le maire aux promoteurs, aux artisans, à tous ceux qui ont participé à l’édification des maisons dans les zones dangereuses, accuse le porte-parole de l’Avif. Parce qu’ici tout le monde se tient, le climat aujourd’hui est électrique», admet le représentant des victimes. «Électrique? Plutôt pourri», témoigne Marthe, une habitante qui a perdu une amie la nuit du drame. «Pour que ça s’arrête, il faudrait aussi que vous arrêtiez de parler de Xynthia», s’emporte une commerçante de L’Aiguillon-sur-Mer, la commune voisine, lassée du défilé des journalistes.

Gilles Souchard, lui, n’entend pas oublier. Il témoigne à sa manière. L’ex-propriétaire de la belle maison de la rue des Trois-Mâts, chanteur à ses heures perdues, a pris la plume et la guitare. Depuis quelques jours, une chanson, écrite avec ses amis Serge Maret et Benoît Létard, tourne en boucle sur internet (1). Elle s’intitule «À qui la Faute?»

19 réponses à to “La Faute-sur-Mer: les plaies à vif un an après Xynthia (La Charente Libre)”

  • Brigitte Devilez says:

    Maisons déconstruite, cela signifie aussi récupération et recyclage des matériaux. Il ne s’agit pas uniquement d’une question de vocabulaire comme zone noire et zone de solidarité.
    Toujours est-il que pour certains ce sera un soulagement et pour d’autre une épreuve difficile….

  • escabourg says:

    Merci Monique94 : « déconstruite » voilà plus de tact dans cette douloureuse épreuve.

  • monique94 says:

    Lors de la vente chez le notaire le représentant de la préfecture nous a dit que les maisons seraient « déconstruites », c’est moins traumatisant et ça permet de recycler ce qui peut l’être

  • escabourg says:

    J’ai entendu dans une interview que les maisons seront détruites et non rasées?
    Différence de langage mais surtout d’attitude qui est moins violente et plus raisonnée?

  • Musette says:

    A propos de remblayage-qui-n-a-pas-été-fait-avec-les-camions-de-l-élu-que-nous-sommes-, c’était le moment de dire qu’un appel avait été fait pour cette vaste opération et que c’était l’entreprise Tartampion qui avait fait le travail.
    C’eût été simple et efficace, et permettait de mettre un terme à un doute persistant !

  • fauxfautais99 says:

    @ lavendéenne
    Il n’y a pas de quoi vous excuser.Chacun son vécu et son ressenti et ce blog est fait pour s’exprimer. Sur le nombre il y a forcément des gens aux motivations malsaines. Mais que dirions nous si tous les touristes continuaient à venir tranquillement sur nos plages, aller au restau et manger des glaces dans une indifférence totale et sans la moindre pensée pour ce qui s’est passé?
    Faut-il adopter la tactique de la municipalité et de certains commerçants qui consisterait à ne montrer que le beau coté carte postale de cette station estivale?
    Après une telle catastrophe il va falloir se faire à l’idée qu’il y en a au moins pour une décennie à en parler. Quand les maisons auront été rasées, on viendra encore, et je viendrai encore voir ce que sont devenu les terrains « rendus à la nature ». Surement plus un terrain à vache avec les 80 cm de remblai.

  • Soizic29 says:

    Les Français ont fait des dons en masse et ont été très généreux pour nous venir en aide. Ils ont aussi besoin de comprendre ce qui s’est passé.
    Avant d’ouvrir la porte de notre maison, bien que nous ayons vu les images à la TV, nous nous attendions à retrouver nos meubles au même endroit, tout en ordre , avec juste un peu d’eau, pas à voir le spectacle que nous avons découvert comme tous les sinistrés : tout pêle même dans la boue, les portes arrachées, les murs intérieurs enfoncés…
    J’ai déjà fait visité ma maison à des personnes arrêtées devant, l’air pensif, car de l’extérieur, la maison avait l’air « normale ». Quand ils ont vu l’intérieur, là, ils ont compris ! 2,80 m d’eau…jusqu’au plafond, avec les traces.
    Tant que nous n’avions pas vu « en vrai », nous ne comprenions pas tout.
    Ceci dit, il y a aussi du « tourisme morbide » que je réprouve.
    Il y a eu aussi des actes de pillage, et ça , ça fait très mal, quelque soit la valeur de ce qui a été pillé, c’est l’acte en liu-même et l’intention qui comptent.

  • lavendéenne says:

    je tiens à me réexcuser de ce que j’ai pu dire. c’était maladroit, mais néanmoins vrai. Je le répète je parlais de ces mêmes gens cités dans Libération.
    imaginez ! des gens cet été ont même demandé au gérant du Nautile s’il avait des cartes paostales de la tempête, sous prétexte que les sables d’olonne en ont fait car un cargo s »était échoué sur les plages !!
    délirant !

  • Musette says:

    @Fauxfautais :
    tu parles d’or ! Il y a un sacré boulot à faire avec les commerçants, qui sont menacés quand ils émettent des opinions contraire à la bien pensance municipale ..
    Certains ont perdu 20%, disent-ils, de leur chiffre.
    On peut rappeler que crise majeure que nous avons essuyée TOUS en 2010, n’a rien à voir avec Xynthia. Tout le monde fait attention à ses finances. La Faute a plutôt bien travaillé malgré la catastrophe. Il s’agit de s’adapter à la crise générale, en imaginant des propositions commerciales attrayantes. C’est loin d’être le cas.
    Ce ne sont ni les animations, plus que problématiques, ni les machins made in taïwan qui feront faire un chiffre convenable. Un peu de qualité, d’imagination, du savoir faire et de l’AMABILITE sont des valeurs sures.
    Nous cracher dessus ne me semble pas la bonne manière de faire !…

  • fauxfautais99 says:

    On devient tous un peu schizophréniques. Moi aussi je fais des photos de ma maison, de mon quartier et je vais même jusqu’à la Pointe de l’Aiguillon avec ma voiture pas du tout immatriculée dans le coin (vive les plaques anonymes). Il y a des jours ou ces gens qui tournent m’énervent aussi mais en discutant on s’aperçoit qu’il y a aussi une recherche de comprendre, de l’empathie.
    Ceux qui m’ont pillé le peu qui me restait, je ne les ai jamais vu et les gendarmes non plus. Par contre, ces gendarmes venus me contrôler dans mon jardin m’ont demandé de leur servir de guide pour leur montrer les maisons où …
    Quand je peux, je donne mes photos par mail ou facebook aux gens concernés et ils m’en remercient. J’en donne aussi à la presse et d’autres mettent en ligne des vidéos.
    Les journalistes ne sont pas parfaits mais que serait ce blog sans ces articles que nous commentons? Les gens ne peuvent pas mettre des banderolles devant leur maison pour protester contre le zonage et insulter ensuite les journalistes quand ils n’ont plus besoin d’eux.
    Les « vrais fautais » et les commerçants trouvent que l’AVIF (donc les victimes), les photographes, les journalistes créent du tort à la commune en continuant de remuer le couteau dans la plaie. Ils feraient bien de réfléchir à qui déshonorre sa fonction et ridiculise sa ville devant la France entière et peut être envisager de cesser de le soutenir inconditionnellement.

  • monique94 says:

    nous aussi chaque fois que nous allons à La Faute on peut nous voir errer dans le lotissement des Doris, nous prenons des photos de notre maison, de celles de nos voisins, et nous craignont toujours d’être pris pour des voyeurs

  • lavendéenne says:

    @soizic29 : je ne parlais pas des gens comme vous touchés de plein fouet par la catastrophe. je parle des gens venant d’autres départements : des 44 ! 49 ! 91 ! et j’en passe. des gens qui ne sont pas d’ici, et qui n’ont pas de lien avec les victimes de ces quartiers.
    je comprend que j’ai pu vous choquer et je m’en excuse. courage !

  • Soizic29 says:

    à Lavendéenne,
    Tous les gens qui prennent des photos ne sont pas des voyeurs !
    Chaque fois que je vais voir ma maison, je prends des photos. Hier, je suis allée à La Faute et j’ai revisité mon ancien quartier. J’ai été frappée par le vieillissement des toitures. Elles ont une fine couche de vase sur laquelle ont poussé des mousses.
    De nouvelles inscriptions en jaune ont été faites sur les maisons.
    J’ai pris des photos, j’ai besoin de voir l’évolution du quartier et de le photographier, bientôt il ne sera plus là.

  • lavendéenne says:

    aujourd’hui c’est un coup de gueule que je souhaite pousser.
    un coup de gueule contre les gens de l’extérieur, les touristes qui viennent en masse se dorer la pillule sur nos plages.
    les plaies sont encore à vif ici pour tout le monde, sinistrés ou non. alors ne venez pas en rajouter une couche en jouant les curieux, les voyeurs !
    combien de fois ai-je pu voir des gens se promener à la faute, prenant des photos des zones de solidarité ?! où est passé le respect ?! pensez-vous au mal que cela peut faire aux familles des 29 victimes ?! beaucoup d’habitants de la faute et de l’aiguillon sont encore incapables d’aller dans les zones pré-citées ! et vous, vous y ballader comme on visite un monument historique ?!
    je suis en colère car mon compagnon et moi-même ne pouvons plus nous promener avec nos chiens sans être abordés par des gens qui posent encore et encore la même question : « vous avez été sinistrés? »…ras le bol ! notre commune est devenue tristement célèbre mais elle a tant pour plaire ! ses paysages, ses plages, ses commerces…
    combien de fois l’été dernier on a vu des gens s’arrêter devant chez nous, et dire haut et fort : « là y’a eu 1m50 d’eau !! » alors que la maison et le quartier où nous vivons n’a pas eu une seule goutte d’eau !
    c’est difficile de se reconstruire après un tel évènement et cela,personnellement, ne nous aide pas à retrouver la sérénité et le bonheur que nous avions dans notre ancien logement.
    les médias y sont aussi pour beaucoup. bien sûr il faut en parler ! évidemment il ne faut pas oublier ! nous ne pouvons pas de toute façon. mais à entendre les médias, toute la faute a été submergé alors que c’est faux ! ils créent une psychose injustifiée ! un monsieur m’a dit que dans une réunion de famille au mois d’octobre, certains pensaient que la faute avait encore les pieds dans l’eau ! impensable ! que ses enfants ne voulaient plus lui laisser ses petits enfants parce que la faute est devenue dangeureuse !!

    je ne tolère pas tout cela ! c’est un manque de respect et d’humilité !

    alors svp messieurs-dames vacanciers, venez chez nous pour profiter du cadre et de l’ambiance de notre commune…pour jouer les voyeurs !

    merci

  • jacquotte says:

    c’est difficile de revenir dans les amourettes. J’étais tout près de la rue des 3 mats dans la rue de l’estuaire.C’est maintenat un grand désert alors que c’était un quartier si agréable…..N’écoutez pas ceux qui nous accusent d’avoir quittez le navire.Chacun à fait le choix qu’il a pu…..chaque choix est respectable.
    courage à vous. je crois que je n’aurais pas pu continuer à vivre si près de notre bon roi et de ses amis chez qui il a passé la soirée du 27.

  • Musette says:

    @Renaud
    les tensions dont tu parles sont de deux ordres, me semble-t’il, celles liées au SPT syndrome post traumatique, qui est toujours différé dans le temps et celles liées à l’attitude de la municipalité. En refusant toute critique envers elle et en identifiant les sinistrés à son opposition, deux fautes politiques majeures, cette municipalité, au lieu d’absorber les conflits en les acceptant ce qui du coup les traiteraient, fait refluer l’angoisse et l’agressivité à l’intérieur de la commune et sa population. En d’autres circonstances, on a les ferments d’une guerre civile, on le voit actuellement ailleurs !
    C’est pourquoi, je continue de penser que cette commune reste dangeureuse et qu’elle n’a jamais été depuis 20 ans gérée par des actes politiques. Ce qui est le devoir du maire et son conseil municipal. Elle a servi d’annexe et de prolongations des officines de ses conseillers municipaux.

  • tristesse says:

    Je comprend qu’on ne puisse revenir, c’est mon cas également,les larmes me viennent rien que de penser à cette maison pour laquelle nous avions économisés pour passer une partie de notre retraite et construire un patrimoine familial à nos enfants, plus de 21 ans de bons souvenirs, des amis, je croyais !!! car depuis notre départ incompris de certains, je nous croyais en démocratie et libre de nos choix, les « amis » ont eu des paroles blessantes, qui m’ont meurtries, même dans la famille, certaine personne qui aurait pu comprendre notre choix de partir se sont laissée aveugler par de soit disant amis ! Le Paradis a perdu son âme, je vais essayer de tourner la page, heureusement avec mon conjoint, nous regardons dans la même direction !! Je pense beaucoup à tous ces gens qui ont perdu des proches et leur souhaite beaucoup de courage pour la suite.

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Zone interdite (mkv)

Des catastrophes pas si naturelle que ça (flv)

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