Les opérations de démolition ont commencé. 823 maisons en zone noire seront détruites.

Demain, le lotissement des Voiliers, à La Faute-sur-Mer, aura disparu. Le chantier de démolition, qui vise plus de 800 maisons en zone noire, devrait s’étaler sur quatre ans. PHOTO XAVIER LÉOTY
La brume qui tarde à se lever filtre un jour funèbre. Le silence est total. Au loin, pourtant, une rumeur parasite se précise quand on s’en approche. C’est dans la rue du Chasse-Marée que ça se passe. Une douzaine d’hommes et quatre engins de chantier sont à pied d’œuvre. Ils se sont attaqués à un groupe de maisons basses dont l’une est déjà par terre. Les ouvriers démontent les huisseries, entassent les matériaux isolants dehors. Deux appareils de levage à bras télescopique cassent le sol, vident l’intérieur des gravats qui l’encombrent. Puis c’est au tractopelle d’entrer dans la danse. Quelques minutes lui suffisent pour démolir le rêve de toute une vie.
823 maisons en zone noireLa Faute-sur-Mer, 28 mars 2011. Treize mois jour pour jour après la tempête Xynthia qui a tué ici 29 personnes, le chantier de démolition – pardon, de « déconstruction » – des maisons situées en zone noire – pardon, en « zone de solidarité » – a commencé. Le chantier devrait s’étaler sur quatre ans.
Il coûtera quelques millions supplémentaires à l’État, qui a déjà déboursé en moyenne 220 000 euros pour racheter les biens sinistrés.
À La Faute et à L’Aiguillon-sur-Mer, 823 habitations se trouvent en zone noire. 696 font l’objet d’un accord amiable, d’après la préfecture de la Vendée, et 539 ventes sont déjà signées. C’est l’agence girondine de la société Grenier-Lafarge, basée à Floirac, qui gère cette première tranche. 95 maisons seront détruites avant le 15 juin. Les travaux reprendront à la mi-septembre, après la pause estivale.
Les badauds sont rares ce lundi matin sur la digue qui surplombe le lotissement des Voiliers. Les médias sont là, les policiers de la DCRI aussi (Direction centrale du renseignement intérieur), mais pas les habitants. « Ils n’ont pas envie de voir ça, soupire Renaud Pinoit, vice-président de l’Avif (Association des victimes des inondations de La Faute). Après ce qu’ils ont vécu ici, ils veulent surtout tourner la page. »
La tempête Xynthia a tué 47 personnes sur le littoral atlantique. Dont 29 dans la seule commune de La Faute-sur-Mer. Elles habitaient le lotissement des Voiliers ou celui, voisin, des Doris. Deux lotissements modestes, qui comptent plus de « Sam’suffit » que de villas somptueuses, construits entre l’océan et la rivière le Lay, en zone inondable. Le préfet de Vendée, après la catastrophe, baptisera ces anciens prés à vaches, que chaque grande marée inondait, « la cuvette de la mort ». Bien vu, mais un peu tard.
« La plupart des habitants étaient des résidents secondaires, poursuit Renaud Pinoit. Ils ont trouvé autre chose ailleurs, ou alors ils sont partis pour ne plus revenir. » « Pour beaucoup, vendre a été un crève-cœur, ajoute François Anil, de l’Avif, mais comment faire autrement ? Quand on a vécu ça, on est marqué à vie. Il y a eu 29 morts mais il aurait pu y en avoir des dizaines de plus. »
Le 28 février 2010, sa propre maison, près du centre-bourg, baignait dans plus d’1 mètre d’eau. Il n’a pu s’y réinstaller que le week-end dernier. « Je suis hors zone noire. Mais si on m’avait proposé de racheter ma maison, je crois que j’aurais dit oui. »
Retour à la nature« Plus jamais ça. » C’est tout ce qui importe aux sinistrés, aux familles des victimes et à leur association. « Notre action en justice n’est pas une agression contre la mairie de La Faute, précisent Renaud Pinoit et François Anil. Nous voulons simplement comprendre. Il y a des gens qui ont des responsabilités et qui n’ont pas fait leur boulot. Si les procédures avaient été respectées, rien n’aurait jamais été construit ici. »
L’enquête pénale en cours devra déterminer la chaîne des responsabilités, de la mairie, qui a favorisé l’urbanisation de zones inondables, aux services de l’État, qui ont laissé faire.
Dès 2006, un rapport d’un ingénieur de la DDE, Stéphane Raison, qui venait de piloter le PPRI de l’île de Ré (plan de prévention des risques d’inondation), pointait le danger : « La conjonction de deux phénomènes, de crue dans l’estuaire du Lay et de submersion marine, pourrait avoir un impact très important sur les zones densifiées à l’arrière d’un réseau de digues vieillissant », écrivait-il. Il n’a pas été entendu. Pas plus que les écolos, les associations et autres Cassandre de tout poil, tous ces empêcheurs de bétonner en rond.
Un couple de retraités regarde le ballet bien réglé des engins de chantier. Ils sont de Cerizay, dans les Deux-Sèvres. Ils ont acheté une parcelle et un mobil-home à la pointe d’Arçay. Par chance, le jour de Xynthia, ils n’étaient pas là. « Ça fait très mal de voir ça, soupire la femme. Soit ça fout le bourdon, soit ça met en colère. » « Ou les deux… », complète François Anil.
Demain, le lotissement des Voiliers aura disparu ; après-demain, celui des Doris. Et la nature reprendra des droits que l’homme n’aurait jamais dû lui confisquer.
8 réponses à to “De Xynthia faire table rase (Sud Ouest)”
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Patrick,
Ton message est émouvant, j’espère que tu as rejoins l’AVIF pour t’aider.
Bien à toi.
c’était ma maison avec le plafond en lambris.
15 ans de boulot
on recommence
öu????????
Oui, Eric, sinistré et endeuillé, en contact journellement avec les autres sinistrés avait dit sur le journal » qu’il fallait tourner la page; c’est ce que les gens voulaient » c’ était à ce moment là sûrement pas la pensée de tous les gens puisqu’on lui est tombé dessus!
Mais de quoi parlait-on exactement?
Moi je l’ai pris « en général ce « tourner la page » ce qui impliquait de ne pas analyser et ne pas essayer de comprendre donc peut être faire des erreurs et ne pas pallier à la nouvelle situation de façon adéquate.
Je prends « le tourner la page » de Renaud, qui côtoie aussi tous les jours les sinistrés, correspondant à une étape précise: celle de la perte et la démolition de leur maison.
Bien à Eric et bien à Renaud,
Bien à vous tous fautais de coeur (un seul suffira!)
@Eric Gallois
je vois que vous êtes attentif à ce qui s’échange sur ce blog… Donc, vois aurez repéré que depuis le moment où vous avez demandé que l’on tourne la page et aujourd’hui, il y a eu le 6 mars.
Les morts de La Faute ne sont pas des morts « ordinaires », si j’ose dire. Mort collective, au même moment dans les mêmes circonstances, quasiment au même endroit, mort emportant les plus fragiles. On ne commande pas de l’extérieur sur l’air des lampions ( et à coups de feux d’artifice…), de tourner la page ! A cette mort collective devait correspondre un rituel collectif. Je ne reviens pas sur les barrages faits aux sinistrés pour organiser ces indispensables rituels.
Renaud Pitois est vice président de l’AVIF, il a un accès singulier et unique aux sinistrés dont ils s’occupent inlassablement tous les jours. Quand il dit que ceux dont ils s’occupent peuvent ou veulent tourner la page, ce n’est pas de l’extérieur, mais dans le lien intime qu’il a avec eux…L’étape d’un rituel collectif est fondamental, les sinistrés ont témoigné de ce qu’ils avaient pu y vivre. Je n’y reviens pas. Il y a d’autres posts qui appellent à tourner la page. C’est une violence faite aux endeuillés. Il faut du temps.
Refaire surface, oui, mais ensemble, est indispensable.
Mais, cher Erix Gallois, ceux qui s’y opposent ne sont pas les sinistrés, mais l’équipe municipale qui n’a pas avancé une seule idée depuis cette catastrophe. C’est à eux qu’il faut demander quels projets ils mènent, à part les parpaings et les tas de sable.., et les feux d’artifice pour sortir la commune du marasme économique qui la guette….Mais, si vous avez des infos sur les projets, on les lira avec intérêt…
Monsieur Gallois, je comprends votre réaction et je dois même dire que j’ai eu un peu la même reflexion que vous en lisant le commentaire. » tourner la page »
Mais nous réagissons ainsi car nous ne sommes pas concernés directement par cette catastrophe.
Je peux comprendre la colère des proches des victimes ou des victimes qui est la 3 ème étape du deuil… sur les 7 étapes.
Ici c’est un peu un lieu ou ils peuvent crier leurs colères et ils doivent le faire , sans jugement de notre part parce que nous ne sommes pas eux, parce que nous n’avons pas vécu cette nuit tragique .D’autre part nous ne sommes que des Hommes, il ne nous appartient pas de juger .
Et puis force est de constater qu’en tant que citoyens, cette affaire montre l’incurie de notre monde, de notre administration, des conseils municipaux des villages concernés.Quand en plus ils n’ont pas l’élégance minimum requise… On peut comprendre certains dérapages.
La sciences des philosophie des lumières nous mène encore: on croit tout maitriser par la technique. Nos sociétés ont oublié l’humilité. Nos sociétés sont obsédés par la réussite économique et le monde matériel…
on se croit au dessus des lois de la nature qui nous rappellent à l’ordre en ce moment…Le Japon est un 1 er rappel monndial…même si Xynthia est très local , nous sommes tous concernés.
Alors respect monsieur.
Belle journée à Vous et à tous Ceux qui lirons ce post.
« …ils veulent surtout tourner la page » dit Renaud Pinoit. Ah bon… Et ça ne fait réagir personne?… Souvenez-vous, ceux qui n’auraient pas la mémoire trop courte, sinon consultez les archives. Il y a environ un mois et demi, j’exprimais un sentiment identique dans un article signé par Elisabeth Petit. Et alors là, que n’ai-je pas lu comme commentaires : que ceux qui pensaient ainsi étaient ceux qui faisaient du fric et voulaient continuer à en faire, que je vous conduisais droit dans le mur, etc… , j’en passe et des pas meilleures.
Et cette fois-ci, rien, pas de réaction. Que sont devenus ceux à la gachette si prompte? En vacances? Disparus? Privés d’Internet? Dégoûtés de lire le blog? C’est quand même très étonnant.
Ou bien, cela peut vouloir dire que certains auteurs de commentaires ne s’intéressent guère au fond des choses, encore moins à la forme (il y aurait vraiment trop à dire), mais seulement à la signature. Selon que celle-ci appartient ou non à l’un des membres du « cercle », elle déclenche des réactions très différentes. Tout comme la distribution systématique des « PPRI » ou des « PV », c’est un comportement qui relève davantage du réflexe de Pavlov que de la réflexion sensée.
Je pense à vous tous, je suis triste. –
Hier soir, j’ai eu une conversation avec « Prévert », très triste également, et notre conversation était : « comment vont réagir les propriétaires des maisons « déconstruites », si les terrains sont (réaménagés) revendus et reconstruits… et voir d’autres familles à leur place ! »
CE MATIN, j’ai lu l’article publié dans PRESSE OCEAN je vous en joins une partie qui est la suivante :
Après le drame, les pouvoirs publics ont choisi une solution inédite : racheter toutes les maisons situées en zone dangereuse pour les détruire, puis rendre les terrains à leur état initial, des marécages…
Courage à vous tous ! Je me doute que vous éprouvez comme un 2nd Xynthia…
Amicalement.
A la Faute-sur-Mer, les premiers coups de pelleteuses ravivent les souvenirs
http://www.lejsl.com/fr/accueil/article/4840166/A-la-Faute-sur-Mer-les-premiers-coups-de-pelleteuses-ravivent-les-souvenirs.html