«Une tension est tombée»: après deux premières semaines éprouvantes d’audition des victimes de la tempête Xynthia, qui a fait 29 morts en 2010 à La Faute-sur-Mer, le tribunal correctionnel va entendre à partir de lundi les premiers témoins.

Jeudi, l’audience de la semaine s’est traduite par un transport sur les lieux du drame, dans la «cuvette mortifère» de La Faute-sur-Mer (Vendée). Le 28 février 2010, les victimes y ont été piégées dans leurs maisons de plain-pied où l’eau est parfois montée plus haut que le plafond, en pleine nuit.

Ce transport, auquel finalement peu de parties civiles ont participé sur les plus de 120 de ce procès, a marqué la fin des auditions des survivants qui avaient commencé mercredi 17 septembre. Ces témoignages ont été une épreuve bouleversante, douloureusement nécessaire pour les uns mais aussi un soulagement pour d’autres.

«Moi, il y a 15 jours, je n’aurais pas pu vous parler», a avoué ainsi à l’AFP jeudi Rémy Plaire, qui a raconté à la barre, vendredi 19 septembre, une journée très lourde émotionnellement, cette nuit où sa compagne est morte à ses côtés, et où lui-même a failli ne jamais se réveiller.

«Depuis que j’ai attrapé la barre, je sens qu’il y une tension qui est tombée. J’ai dormi presque deux nuits complètes, ça fait presque quatre ans et demi que ça ne m’était pas arrivé. Je pense que ça va beaucoup m’aider», a-t-il confié à l’AFP.

Au-delà de l’émotion, ces auditions ont permis de comprendre comment ces habitants ont pu acheter des maisons à La Faute-sur-Mer, une petite station balnéaire vendéenne populaire, sans savoir à quel risque ils s’exposaient. La majorité n’était même pas informée du risque d’inondation.

Ainsi, les mesures de précaution à prendre et la conduite à tenir en cas d’inondation étaient expliquées dans un petit livret qui n’a jamais été distribué aux habitants, comme l’a reconnu la première semaine l’ancien maire de la commune, René Marratier.

– L’action de l’État en questions –

Désormais, à partir de lundi après-midi, l’audience du tribunal correctionnel des Sables d’Olonne va revenir sur des auditions plus «classiques», avec les témoins cités par les différentes parties.

Parmi eux, Thierry Lataste, préfet de Vendée de juillet 2007 à janvier 2010, actuel directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, pourra notamment répondre aux nombreuses questions qui se posent sur l’action de l’État dans cette affaire.

Notamment sur la lenteur de la mise en place du Plan de prévention des risques d’inondations (PPRI) de La Faute-sur-Mer, dont une version partielle sera finalement imposée à la commune en 2007, mais seulement partiellement appliquée sur le terrain.

Ou encore, en 2003, cette «négociation» entre René Marratier et les services de l’Équipement pour qu’une partie de la commune ne soit pas classée en «zone rouge» inconstructible, mais en zone bleu foncé. Il devait en contrepartie prendre des mesures qui ne l’ont jamais été.

La journée de mercredi sera consacrée au témoignage du directeur d’enquête et plusieurs autres témoins vont ainsi défiler à la barre jusqu’à vendredi, dont un sénateur.

Il restera encore deux semaines ensuite dans ce procès, avec une semaine consacrée aux interrogatoires des prévenus puis, la dernière, aux réquisitions et plaidoiries.

Cinq personnes physiques, dont René Marratier, comparaissent, principalement pour homicides involontaires, ainsi que deux entreprises de construction en tant que personnes morales.

Le procès doit se terminer le 17 octobre. Le jugement sera rendu en délibéré le 12 décembre.