
La vie d’Elisabeth et de ses proches a été dévastée par le drame. Elle reste discrète et digne : « Je n’ai pas à faire supporter »
Les conséquences de la tempête Xynthia ont été terribles pour l’Angevine Elisabeth Tabary. A La Faute-sur-Mer, en ce 28 février 2010, elle a tout perdu : des êtres chers – son mari et son petit fils – sa maison… et son avenir. Nous l’avons rencontrée à quelques jours de l’ouverture du procès qui se déroulera aux Sables-d’Olonne à partir de lundi. Partie civile, elle témoignera le 23 septembre en fin de journée.
Martine Vaillant-Prot
► La maison de famille à La Faute
« Je connais La Faute-sur-Mer depuis mon enfance. Mon père ancien militaire, médecin-chef à la sécu à Angers qui a exercé auparavant en Deux-Sèvres, avait acheté une maison de famille à La Faute-sur-Mer. Elle appartient aujourd’hui à ma sœur Annette. J’y ai passé toutes mes vacances.
J’ai connu mon mari à Angers en 1967, l’année où je terminais mes études d’infirmière. J’ai travaillé pendant dix ans à Saint-Léonard, trente ans au Louroux-Beconnais puis à nouveau à Angers. J’étais cadre de santé à la Maison d’enfants des Capucins et à la Maison de convalescence du Chillon.
A partir de 2001, j’avais un logement de fonction à Angers et je faisais l’aller-retour chaque semaine à La Faute (jusqu’à mon départ à la retraite fin 2006). Nous y avions acheté en 1971 une maison rue des Courlis, qui est alors devenue notre résidence principale.
Ma mère et ma sœur vivent toujours à Angers. Mon fils et ma belle-fille qui habitent à Paris, s’y sont mariés. Leur petit garçon y est enterré ».
► Le drame
« Les enfants – mon fils et ma belle-fille – étaient descendus à La Faute. Ils nous laissaient Raphaël, notre petit-fils de deux ans et demi, pour huit jours. Ils occupaient la chambre à l’étage, accessible par l’extérieur. Nous avions gardé le petit avec nous, en bas, pour qu’il s’habitue à son environnement.
Dans la nuit, la tempête était impressionnante. Quand l’eau est entrée partout dans la maison, mon mari m’a dit « la digue a pété, on est foutu ». L’eau est montée jusqu’à 1,90 m. Il s’est noyé. J’avais mon petit fils dans les bras ».
Raphaël est mort de froid, Elisabeth se laisse couler. « Je voulais mourir aussi ».
« Les enfants là-haut n’ont pas entendu ce qui se passait en bas. Quand mon fils m’a récupérée – j’ai été conduite au gymnase – je criais, j’étais délirante. J’ai été transportée à l’hôpital de La Roche-sur-Yon. Je suis tombée dans le coma.
J’ai fait un infarctus et un œdème pulmonaire.
Le petit a été porté disparu pendant deux jours. Mon fils l’a cherché dans chaque recoin de la maison. Ce sont les pompiers qui l’ont retrouvé, à l’endroit où je l’avais déposé mais mon message ne leur a pas été transmis. J’avais très peur qu’il disparaisse avec la marée et qu’on ne retrouve jamais son corps.
J’ai reconstitué la nuit du drame par morceaux, grâce à mes proches, aux secours et aux voisins ».
► Les jours qui ont suivi
« Il y a l’hôpital, l’enterrement de mon mari, de mon petit-fils, une maison dévastée.
Le chien s’est laissé mourir, le chat ne quittait plus le dessus de l’armoire…
Le bateau du voisin était arrivé dans notre jardin. Notre voiture a été déplacée par la force de l’eau. Nous avons retrouvé des papiers administratifs d’un monsieur décédé, chez nous, alors que des dossiers nous appartenant ont été découverts cinq maisons plus loin.
Je n’avais plus rien. J’étais SDF.
J’ai voulu mettre fin à mes jours. J’ai appelé à l’aide.
Je souffre encore d’amnésie. J’occulte ma vie d’avant. Le psychothérapeute qui me suit, dit que c’est une façon de me protéger.
Je suis devenue insomniaque. Je n’ai pas d’avenir. Je vis au jour, le jour.
Très vite, je suis quand même entrée en action. Dès que j’avais une info, je prévenais les autres victimes.
Je continue à vivre et pourtant cette existence est brisée. A jamais. Je ne suis plus la même. Ma famille non plus. »
2 réponses à to “« Je voulais mourir aussi » : le témoignage d’une Angevine après Xynthia (Le courrier de l’ouest)”
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je t’embrasse très fort
Chaque fois, vraiment chaque fois, Elisabeth, quand je t’entends ou lit tes témoignanges, mon sang se glace d’horreur.Francis et Raphaêl sont là pour toujours avec nous.Je t’embrasse.