Le procès de René Marratier, ancien maire de la Faute-sur-Mer (Vendée) débute en correctionnelle ce lundi 15 septembre dans l’affaire de la tempête « Xynthia ». Vingt-neuf personnes avaient péri noyées dans la nuit du 27 au 28 février 2010. Le maire et deux de ses adjoints, chargés de l’urbanisme et des travaux, sont poursuivis devant le tribunal correctionnel des Sables d’Olonne pour homicide involontaire, mise en danger de la vie d’autrui et pour manquement grave à l’obligation d’information des populations. Les avocats du maire, Didier Seban et Matthieu Hénon, expliquent les enjeux de ce procès.

Ce procès, qui devrait durer cinq semaines, est lié à une des plus grandes catastrophes naturelles qu’ait connu la France depuis plusieurs décennies. Il est particulier, car met en cause le maire d’une toute petite commune (800 habitants permanents). Ce dernier encourt cinq ans de prison.

Quels sont les arguments du procureur ?

La commune n’aurait pas mis en place son plan de prévention du risque d’inondation (PPRI) et son plan communal de sauvegarde (PCS). Le maire n’aurait pas non plus répondu à son obligation de mise en place de repères de crue. On lui reproche également de ne pas avoir réalisé de document d’information sur les risques majeurs (DICRIM), ni de diagnostic de vulnérabilité des habitations. Le maire n’aurait pas informé  les propriétaires de digues de la survenance de la tempête. M. Marratier aurait illégalement délivré des permis de construire en zone inondable et insuffisamment informé la population des risques lors de la survenance de la tempête. Le chef d’incrimination retenu est « homicide involontaire et mise en danger de la vie d’autrui ».

Ce sont des chefs d’accusation lourds…

L’affaire est dramatique, mais il faudrait éviter que le maire ne serve de bouc émissaire et masque toute la chaine de responsabilités, notamment administratives. M. Marratier, maire depuis de nombreuses années, avait le sentiment d’avoir fait tout ce qu’il pouvait pour développer sa commune, la rendre touristique et attrayante sans jamais compromettre la sécurité de ses habitants. Il reconnait n’avoir pas eu conscience de la gravité du risque et met en avant qu’il n’y avait jamais eu de catastrophe de ce type et de cette ampleur. Peut-on reprocher au maire d’une petite commune de ne pas avoir pris conscience du risque alors que les services de l’Etat dans leur ensemble n’ont pas su anticiper et alerter ?

En tant qu’avocat de M. Marratier, quels sont les arguments que vous présenterez en défense ?

La mise en place de PPRI est ordonnée par le préfet. Les permis de construire avaient été instruits par la DDE, la commune n’en n’ayant pas les moyens, avec un seul cadre de catégorie A. Le maire indique qu’il s’est toujours conformé à l’avis des services de préfecture. Ce procès montre que la France n’a pas pris de véritables mesures face aux risques climatiques. Il montre aussi que les communes vivent dans un cadre réglementaire lourd qui leur impose des obligations qu’elles ne sont pas toujours en mesure de respecter. 90 % des communes de Vendée n’avaient pas de plan communal de sauvegarde ! On reproche ainsi aux maires des défaillances alors qu’ils ne sont pas en mesure de mettre en œuvre une règlementation protéiforme et contradictoire dans un contexte de désengagement massif des services de l’Etat. Sur les questions de risques naturels, il y a besoin d’un retour en force de l’Etat et d‘une expertise à l’échelle nationale.

Peut-on considérer que le drame était prévisible ?

Certains experts voudront l’établir. Mais encore une fois, le maire d’une petite commune peut-il en être tenu responsable ? Certes, il y avait déjà eu des inondations mais les dernières significatives remontent à la Seconde Guerre mondiale et elles n’avaient pas causé de morts. Face à l’urbanisation du littoral et la pression foncière excessive, les maires des petites communes apparaissent bien seuls, et peut être parfois trop proches de leurs administrés au regard de certaines décisions. Il faut s’interroger, dans les zones où des risques naturels élevés existent, sur un éventuel éloignement des centres de décisions par rapport aux administrés.

C’est donc aussi le procès des services de l’Etat et de la sur-réglementation ?

Dans le drame de La Faute-sur-Mer, on reproche au maire de ne pas avoir informé les populations. Mais l’alerte donnée par le préfet à la population demandait aux habitants de rester chez eux, ce qui s’est révélé dramatique. Le rapport parlementaire sur Xynthiapointe les défaillances de l’Etat. On ne sait pas tirer les conséquences, au niveau local, des bulletins météo pour les traduire en décisions opérationnelles. Les services de secours n’étaient absolument pas mobilisés pour un risque de submersion marine. Le centre de secours  de La Faute a été le premier inondé et ses communications coupées. De façon générale, la culture du risque n’existe pas en France.

Quelles enseignements devraient ressortir de ce procès ?

Il faudrait que l’on s’aperçoive qu’en matière de risque de submersion, et pour toutes les petites communes littorales, c’est à l’Etat de prendre la main : il a seul la capacité de mobiliser à grande échelle. Il s’agit de risques qui dépassent la compétence d’une seule mairie. Le drame révèle aussi la question de la gestion des digues, qui dépendent de syndicats de propriétaires éprouvant de grandes difficultés à lever des fonds pour leur entretien et à mettre en œuvre des plans de rénovation. Le procès est donc important à maints égards : il concerne la prévention, le risque climatique, l’organisation des services de l’Etat. Il appelle à une action collective. Tous les acteurs devront savoir tirer le bilan de ce drame, revoir les procédures et aller au-delà de la volonté de se protéger du risque pénal.

FOCUS

Cinq personnes dans le box des accusés

En plus de l’ancien maire de la commune, quatre autres personnes sont poursuivies : Françoise Babin, la première adjointe au maire chargée de l’urbanisme à l’époque des faits, pour prise illégale d’intérêts, ainsi que son fils, Philippe Babin, promoteur d’un des lotissements touché par les inondations, un promoteur immobilier, et l’ancien directeur départemental des territoires et de la mer de Vendée. Deux personnes morales sont également poursuivies, celles qui ont construit les maisons situées dans la zone du sinistre. La plupart des 29 victimes résidaient dans deux lotissements construits en dessous du niveau de la mer.

2 réponses à to “La Faute-sur-Mer : un procès aux enjeux nationaux (La gazette des communes)”

  • Musette says:

    Non, Brigitte, ce n’est pas son intérêt et normalement tout ce que tu racontes est dans le dossier d’instruction. Mais, je pense que c’est un discours destiné aux fautais, du même tonneau que ceux que RM a toujours tenus, histoire de maintenir l’illusion et le déni. Et, comme dirait PJ, il a choisi la victimisation (Etat, Opposition, association des victimes…)pour maintenir les clans. S’il sort de cette tactique, il se retrouve face à lui-même et ses mensonges.
    Sauf, qu’au procès, il ne sera pas face aux fautais, mais à trois juges qui connaissent le dossier. Intenable !…

  • brigitte says:

    Oui, ce procès doit faire comprendre aux législateurs qu’en matière de risques élevés, l’Etat doit prendre la main sur un responsable de commune. Cela amènerait une certaine lourdeur dans les décisions, on le voit avec le PAPI. On peut également s’interroger sur la pertinence de décisions prises loin du terrain. Cela demanderait aussi une augmentation de personnel dans les Préfectures, celui-ci ayant été bien réduit depuis la décentralisation.

    Mais tout cela n’enlève rien à la responsabilité de RM. Il doit choisir entre «acharnement administratif » et « laxisme administratif ». On ne peut pas passer de l’un à l’autre suivant comment cela nous arrange.

    Les études de vulnérabilité de la commune avaient été faites par la Préfecture en 2001 et portées à la connaissance du Maire. Il n’y a pas cru.
    Le PPRI avait été fait par les services de la Préfecture à la même époque et soumis au Maire. Il l’a refusé.
    Le document d’information sur les risques majeurs (DICRIM) avait été réalisé par la Préfecture sous forme de plaquette à la destination du public. Il n’a jamais été distribué à la population.
    Le PPRI a été imposé par la Préfecture en 2007. Il a continué à signer des permis non conformes.

    Est-il dans l’intérêt d’un prévenu de mentir à ses avocats ?

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Zone interdite (mkv)

Des catastrophes pas si naturelle que ça (flv)

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