
Quatre ans et demi après, le procès de la tempête Xynthia s’est ouvert lundi après-midi aux Sables d’Olonne. Objectif : établir les responsabilités après la mort de 29 personnes. « La douleur de la souffrance est inscrite jusqu’au plus profond de moi-même », a déclaré l’ex-maire de La-Faute-sur-Mer, poursuivi pour « homicides involontaires aggravés », à son arrivée au tribunal.
Beaucoup de solennité lundi lors de cette première journée d’audience. D’abord la salle de ce centre des congrès où siège le tribunal des Sables d’Olonne, au bord de l’océan : immense, des centaines de chaises sont installées. Tout le côté droit est occupé par les rescapés de Xynthia, au moins 130 personnes : hommes, femmes, qui ont perdu un mari, une mère, un enfant. Dans la nuit du 28 février 2010, la tempête Xynthia avait tué 29 personnes, englouties dans l’indondation de leur lotissement à La-Faute-sur-mer en Vendée.
Il y a aussi les mots du président, racontés par nos envoyées spéciales Delphine Gotchaux et Sophie Parmentier :
Sur le banc des parties civiles, les visages sont graves, les coeurs se serrent lorsque le président égraine le nom des 29 victimes. Evelyne est une des sinistrés rencontrés par nos envoyées spéciales : « On a pris conscience depuis quatre ans, mais là c’est déposé devant tout le monde, en plus [les journalistes] vous êtes là pour nous relayer, pour dire à tout le monde ce qui est arrivé, parce que quelque fois on a l’impression d’avoir un peu rêvé… On se dit que c’est un mauvais cauchemar, mais là ce n’est plus un cauchemar il y a aura des mots dessus« .
« Bien sûr que je regarderai les victimes, c’était des amis »
Lors de ce premier jour d’audience, l’ex-maire de La-Faute-sur-Mer s’est exprimé. C’est un homme assailli par les journalistes qui est arrivé au tribunal. René Marratier, 62 ans, est un des visages de la catastrophe. Il a été maire de la Faute jusqu’en mars dernier, pendant près de 30 ans. C’est un des cinq prévenus, poursuivi pour « homicides involontaires aggravés » et « mise en danger de la vie d’autrui par violation manifestement délibérée d’une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence ».
Il est arrivé le visage fermé, visiblement très marqué, il a brièvement répondu à la presse : « Mes pensées vont aux victimes, je tiens à garder le silence, je réserve mes paroles lors de l’audience. La douleur de la souffrance est inscrite jusqu’au plus profond de moi-même. J’ai fait ma mission de maire. Bien sûr que je regarderai les victimes, c’était des amis« . Quelques minutes plus tôt, l’un de ses avocats a expliqué que jour et nuit René Marratier se repasse le film de cette nuit-là : qu’aurait-il pu faire ? dû faire ?
L’accusation lui reproche une série de fautes, notamment de ne pas avoir alerté la population, d’avoir laissé construire des maisons dans cette zone dangereuse par la suite appelée « la cuvette de la mort ». Les autres prévenus ont aussi défilé à la barre :
2 réponses à to “Procès Xynthia : « Il y aura des moments éprouvants, il faut s’y préparer » (Francenfo)”
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J’y avais déjà fait allusion dans un post récent. Quand on a entendu ce que le Président du Tribunal a explicité dans son mémoire, hier, on est abasourdi de lire qu’on pourrait donner à une équipe municipale du genre de celle qui a présidé aux destins des fautais pendant 25 ans, et alignée sur les sièges des prévenus, le droit d’interpréter la loi !!!! Au secours !
L’accablement des parties civiles était visible et intense, hier à l’énoncé des manquements répétés du maire à ses devoirs, tellement important qu’un avocat a pu dire que la descritption des actes de R. Marratier le jour où sa commune a été mise en alerte rouge, relevait d’une démission massive de ses responsabilités de maire. Par ailleurs, on a appris hier que l’assurance des maires a essayé d’exclure certaines clauses du contrat d’assurance signé avec la commune…
On est pas sorti de l’auberge!
Une proposition de loi est à l’étude au Sénat pour donner plus de latitude aux maires dans l’aménagement des côtes. «Inacceptable» pour les associations écolos qui tiennent à la loi littoral.
La loi littoral peut-elle prendre l’eau ? Au creux de l’été, un article du Canard enchaîné est venu torpiller la longue complainte de certains élus locaux qui militent pour la «modernisation» du texte voté à l’unanimité en 1986. Une proposition de loi, issu d’un récent rapport parlementaire, a même été déposée en juillet au Sénat. Les rapporteurs (UMP) de cette proposition accusent le législateur de favoriser la protection de l’environnement au détriment du développement économique. Très populaire au demeurant, la «loi littoral» (en fait, loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral) vise à encadrer l’aménagement des côtes françaises (et des grands lacs) afin de lutter contre leur bétonnage et les excès de la spéculation immobilière.
Un cadre trop restrictif et difficilement lisible à en croire certains sénateurs qui prônent la décentralisation non seulement de l’application, mais de l’interprétation même du droit pour le littoral. Après les échecs successifs de plusieurs recours parlementaires (amendement de la loi Duflot sur le logement, puis de celle sur l’agriculture de Stéphane Le Foll), le sénateur UMP Raymond Couderc, à l’origine de la proposition, ne désarme pas. Il plaide pour la création de «Chartes régionales d’aménagement du littoral (Cral)», qui permettraient aux élus de court-circuiter l’État et les tribunaux administratifs.
«RECOURS ABUSIFS» CONTRE «MAUVAISE FOI»
La démarche fait grincer chez les associations écologistes. Ces dernières fustigent un projet qui risque, selon l’Union des associations du littoral (UADL), d’«affaiblir une loi essentielle, qui peine déjà à ralentir le rythme d’une urbanisation rampante de nos côtes». Manche-Nature juge quant à elle l’initiative «inacceptable». Alors que la proposition de loi pointe du doigt une jurisprudence contradictoire, l’association crie à la «mauvaise foi» et rétorque que celle-ci est «ancienne, abondante, claire, et permet justement de prendre en compte les réalités locales». Octroyer plus de latitude aux élus dans l’interprétation du droit en leur «faisant confiance» risque, selon les associations, d’amplifier encore l’anarchie des constructions et la fragmentation écologique du territoire.
En face, l’argumentaire est parfaitement rodé. Les sénateurs Odette Herviaux (PS) et Jean Bizet (UMP), signataires du rapport, dénoncent la multiplication des «recours abusifs» en justice, et défendent la présence dans le texte de «tous les garde-fous imaginables». Jean Bizet, joint par Libération, se défend d’être un «bétonneur» et se dit motivé par «la détresse des maires du littoral face à l’incompréhension de l’administration». Le projet ne représente, selon lui, qu’un retour à l’esprit de la loi face à une situation «insupportable et déséquilibrée», dans laquelle «les gros grossissent et les maigres maigrissent». Lorsqu’on évoque la fronde des associations, il ironise : «Il y a la loi, l’esprit de la loi, et l’ouverture d’esprit…»
LE LITTORAL, «POULE AUX ŒUFS D’OR»
Pas sûr que la formule fasse mouche, tant la démarche irrite. Le texte est d’ailleurs loin de faire consensus chez les élus concernés. Jean-Claude Croze, maire de Brison-Saint-innocent (Savoie), prévient qu’avec de telles propositions «on ouvre la boîte de Pandore». «L’environnement doit rester un bien commun, il ne faut surtout pas lâcher face à la pression foncière ou électorale, sinon on risque de tuer la poule aux œufs d’or», ajoute-t-il. Pour le Conservatoire du littoral, organisme en charge de la préservation des espaces naturels, «la loi littoral est un cadre législatif adapté. Une politique qui dure aussi longtemps est une politique qui marche, il faudrait plutôt en être fier».
La partie est donc loin d’être gagnée. Le ministère de l’Ecologie ne semble pas vouloir lâcher de lest et demeure peu réceptif aux arguments avancés par les sénateurs. Selon le Canard enchaîné, une circulaire visant au contraire à renforcer le dispositif serait même dans les tuyaux, bien que le cabinet de la ministre Ségolène Royal se refuse à tout commentaire. Si la proposition de loi a peu de chances d’être ne serait-ce que débattue, l’objectif à peine dissimulé est de peser dans le rapport de force croissant entre les collectivités territoriales et l’État dans le cadre des débats sur la décentralisation. La question est de savoir qui va finalement laisser béton.
Maxime JAGLIN / LIBERATION 13.09