Le maire de l'époque René Marratier.

Au deuxième jour du procès dit «de la tempête Xynthia», le tribunal correctionnel des Sables-d’Olonne a regardé un film retraçant le phénomène d’inondation survenu dans la nuit du 27 au 28 février 2010.

Envoyé spécial aux Sables d’Olonne

La Faute sur Mer est une presqu’île champignon, un très jeune rejeton du Vieux-Continent: au tout début du XVIIIe siècle, année où un grand cartographe, Claude Masse, a jeté sur le papier les contours de la Vendée, la bande de terrre qui sert de paravent à l’estuaire du Lay, face à l’Atlantique, ne s’est pas encore formée, explique au tribunal des Sables d’Olonne Thierry Sauzeau, un historien cité comme témoin par Me Corinne Lepage, partie civile, au deuxième jour du procès de la tempête Xynthia.

L’universitaire, passionnant, se fait presque psychanalyste quand il explore le curieux processus mental de refoulement des catastrophes qui semble avoir affecté les habitants de cette partie du littoral. La Faute, submergée dans la nuit du 27 au 28 février 2010 et transformée en tombeau pour 29 victimes, a subi, de tout temps, la colère des éléments. Or, depuis une quarantaine d’années, la commune avait connu un véritable boom immobilier, voyant prospérer, bien imprudemment, campings et lotissements.

Une région régulièrement frappée par les catastrophes maritimes

La Faute, année zéro: nous sommes en 1794 et l’on sait que les lieux sont peuplés par une famille au moins. On le sait pour une bien triste raison: tous les hommes ont été massacrés lors des guerres de Vendée. En 1811, le cadastre napoléonien fait état des quelques maisons, édifiées au sommet des dunes. Les «relais de mer», ces étendues régulièrement noyées par les grandes marées ou les tempêtes, ne servent qu’à faire paître des bêtes ou reposer des bateaux entre deux courses. Ainsi va la vie au fil des ans. Au XXe, entre les deux guerres, avec la vogue des bains de mer, on bâtit, toujours sur les points hauts, quelques belles demeures que l’occupant allemand s’empressera de réquisitionner. «A l’époque, poursuit M. Sauzeau, on connaît l’océan, on sait ce que sont ses colères et nul n’ignore que la zone la plus sensible est celle dite de la Belle Henriette, sur l’ancien estuaire du Lay».

On ne sait d’autant mieux que la chronique locale est richement garnie en la matière: 1711, 1788, 1890… La région est régulièrement frappée de catastrophes maritimes. «En mars 1937, rappelle le témoin, un épisode n’est pas sans annoncer ce qui se passera avec Xynthia. En novembre 1940, un historien, futur professeur au Collège de France, décrit une nuit de cauchemar. En février 1941, La Faute est encore une fois submergée». Mais à l’époque, on s’en soucie guère: seules des vaches sont menacées, les autochtones restent placides sur les buttes, ils attendent que la marée baisse et qu’avec elle, repartent les eaux. A noter que des digues existent déjà; des tentatives pour les rehausser ont d’ailleurs échoué car elles sont arrimées à un sol meuble qui s’enfonce si leur poids devient trop important. En 1956, un rapport des Ponts et Chaussées indique ques ces ouvrages sont submersibles, et peu susceptibles d’amélioration. En 1957, une submersion de plus est enregistrée. Nous sommes à la veille du développement balnéaire à outrance, inspiré par le «désir de rivages» qui s’empare d’une population française désormais rompue aux congés payés et enrichie par les 30 glorieuses.

Alors on construit sur les prés à vache, sur les «relais de mer», sur le moindre pouce de ce polder vendéen. Les permis deviennent de simples formalités. Au mépris des règles élémentaires de prudence, on autorise les maisons de plain-pied quand un étage pourrait sauver des vies s’il était obligatoire. On croit aux vertus des digues comme jadis, ailleurs, on misait sur la ligne Maginot. En février 2010, après une quarantaine d’année de trompeuse somnolence, la mer ne se donnnera même pas la peine de briser les digues: elle passera par-dessus pour noyer les lotissements.

«Une génération n’a pas assuré la transmission dans la période 1957-2010, analyse Thierry Sauzeau. Les nouveaux arrivants n’ont pas eu accès à une connaissance validée de l’aléas qui aurait dû justifier plus de vigilance». Pourquoi cette mémoire de l’eau mortifère s’est-elle éteinte? Comment a-t-on pu oublier, ici, dans l’étau du Lay et de l’Atlantique, que rien n’arrête des flots déchaînés? Le 28 février 2010, en pleine nuit, 1,2 million de mètres cubes se déverse dans la cuvette de La Faute, à raison de 360 m3 par seconde au plus fort de la tempête: tout le monde avait donc oublié 1937, 1940, 1941, 1957? Interrogé par le président, le maire de l’époque René Marratier, qui comparaît avec quatre coprévenus, affirme: «Je suis Fautais depuis 38 ans, jamais j’aurais imaginé une pareille catastrophe. Je n’ai vécu que la tempête de 1999, celles d’avant j’en ai entendu parler de façon minime».

Avant la précieuse déposition de Thierry Sauzeau, le tribunal avait visionné un court-métrage pédagogique, sorte d’infographie animée retraçant la nuit tragique. On y voit, en accéléré, le bleu manger la terre. A la fin, 29 petits drapeaux triangulaires indiquent l’emplacement des corps découverts par les sauveteurs. La mer est repartie: quand reviendra-t-elle?

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Zone interdite (mkv)

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