1 2 »
La municipalité sous-traitait à la DDE, faute d'administration intégrée, la procédure de délivrance des permis de construire.

Françoise Babin, première adjointe de la Faute-sur-Mer au moment de la catastrophe, déclare ne pas avoir su que les permis de construire, délivrés par la DDE, étaient irréguliers.

On avait tendance à l’oublier, mais René Marratier, l’ancien maire de la Faute-sur-Mer, n’est pas le seul prévenu au procès de la catastrophe Xynthia – du nom de la tempête qui avait tué 29 personnes dans cette commune de Vendée, le 28 février 2010. Depuis l’ouverture des débats, le 15 septembre, aux Sables d’Olonne, M. Marratier s’est trouvé singulièrement exposé aux questions du tribunal et, faute de confrontations à la barre et d’une dynamique d’audience moins scolairement rivée au dossier, il finissait par apparaître comme le «méchant» numéro un du dossier.

Pourtant, lundi soir, sa défense, Me Didier Seban en tête, est montée au créneau de manière vigoureuse. Et au fil des débats, s’est dégagé le tableau beaucoup moins simpliste qu’attendu d’une entente forcée entre la petite municipalité de 900 habitants (mais on ne parle de la Faute que parce que le sort s’est abattu sur elle, des milliers d’autres sont dans le même cas) et la DDE, la première sous-traitant pour beaucoup à la seconde, faute d’administration intégrée, la procédure de délivrance des permis de construire. Or, la DDE semble s’être rangée, le plus souvent, derrière l’avis et les intérêts d’une commune qui n’a pour richesses que ses plages et ses terrains à lotir. Ne pouvant agrandir l’océan, il ne lui restait plus qu’à multiplier les pavillons pour prospérer. Résultat: une cuvette située en dessous du niveau de la mer, mal protégée par une pauvre digue, couverte d’habitations et noyée en deux heures quand Xynthia a grondé. Qui a sérieusement freiné la fringale urbanistique de La Faute? La préfecture, qui multipliait les courriers de mise en demeure – il faut un plan de prévention, une information de la population, un plan d’évacuation, etc – n’avait pas le pouvoir de sanctionner le peu de zèle (euphémisme) de l’équipe municipale à se plier à ces règlements considérés comme tatillons, bureaucratiques. La DDE, émanation de la préfecture, donnait des avis favorables aux permis de contruire dans la cuvette. Même si, en 2007, un zonage avait marqué de rouge certains lopins de La Faute et que la notion de «cote de référence» était apparue dans les documents relatifs aux nouvelles constructions, lesquelles devaient être suffisamment surélevées (en fonction de cette cote) pour échapper à un éventuel engloutissement. Problème: la valeur de la cote n’est notifiée nulle part. L’État fixe une contrainte, mais omet de donner la clé qui permet de se mettre en conformité.

Personne ne connaissait la valeur de la cote de référence

C’est dans ce contexte que Françoise Babin est appelée au micro. Également poursuivie pour «homicides involontaires», cette petite femme – la barre lui arrive aux épaules – est énergique, bien plus que l’amphigourique René Marratier. Au moment des faits, elle était première adjointe et, de facto, présidente de la commission d’urbanisme. Sa défense, solidement assurée par Mes Christian Charrière-Bournazel et François Rocheron-Oury, s’ancre à un postulat: la DDE donnait son feu vert aux permis et, surtout, personne ne connaissait la valeur de la cote de référence. De sorte qu’on construisait trop bas des maisons de plain-pied sans échappatoire par le haut, mais de bonne foi.

La situation de Mme Babin est très singulière: élue depuis 1989, elle est aussi agent immobilier et, à ce titre, elle a vendu et loti des terrains dont certains appartenaient à sa famille. Entendons-nous bien: aucune loi n’interdit d’être à la fois agent immobilier et conseiller municipal, et personne ici n’est poursuivi pour prise illégale d’intérêt. Il n’empêche que la prévenue est embarrassée par cette double casquette, même si elle explique qu’elle quittait les délibérations quand un projet d’aménagement la concernait directement.

Au début, Mme Babin – c’est de bonne guerre – se défausse sur la DDE: «Les permis m’arrivaient avec un avis positif, je ne pensais pas qu’ils étaient irréguliers», martèle-t-elle. Quant à la cote de référence, elle jure n’en avoir jamais connu la valeur. Le tribunal lui demande s’il n’aurait pas été judicieux de la demander à la DDE, elle rétorque, non sans bon sens, qu’il n’eût pas été moins judicieux que la DDE la communiquât de sa propre initiative à la commune. Encore eût-il fallu pour cela que la DDE la connaisse, cette valeur qui aurait pu sauver des vies, ce qui ne semble pas avoir été le cas.

Le risque de submersion n’avait jamais été pris au sérieux par la mairie

Au fil des questions du président et de l’un de ses assesseurs, la prévenue se tend: «Je ne suis pas stupide au point d’exposer des gens à un risque mortel», lâche-t-elle, excédée – ce qui confirme au passage que le risque de submersion n’avait jamais été pris au sérieux par la mairie.

Mme Babin est passablement agacée quand la partie civile prend le relai du tribunal. Me Valérie Saintaman ouvre le feu sur le thème, pain bénit de ce côté de la barre, du mélange des genres: «Pourquoi avez-vous choisi la commission de l’urbanisme?»

Mme Babin: «Ce domaine m’intéressait».

– En tant qu’agent immobilier?

– Pas spécialement. (Horripilée) J’aurais mieux fait de faire du social, je ne serais pas là aujourd’hui».

Puis, Me Saintaman relève qu’il arrivait que la commission d’urbanisme (Mme Babin nie l’avoir présidée mais elle dit «ma commission») émette des avis défavorables à des demandes de permis: «Vous aviez donc examiné les plans et compris les règles?»

Mme Babin: «Je ne suis pas tout à fait idiote».

Me Saintaman: «Il y a au dossier la trace d’une quinzaine d’avis favorables de la mairie» à des projets intéressant directement les sociétés immobilières de la famille Babin.

La prévenue: «La DDE pouvait passer outre, c’est arrivé».

Me Corinne Lepage, à présent: «Savez-vous ce qu’est un conflit d’intérêt»?

Me Charrière-Bournazel, vigilant: «Ce n’est pas dans la prévention»!

Me Lepage, têtue, repose sa question.

Mme Babin: «Bien sûr, Maître».

Me Lepage: «Qu’est-ce que c’est»?

Mme Babin: «Mes conseils me demandent de ne pas répondre».

Brouhaha du côté des parties civiles, très nombreuses dans la salle.

Me Lepage en vient à l’argent: selon elle, quelque 200 maisons ont poussé à La Faute grâce aux diligences des sociétés Babin, ce qui représentait une plus-value non négligeable pour des terrains dont la valeur avait été décuplée quand le plan d’occupation des sols, élaboré en mairie, les avait rendus constructibles. L’avocate: «Combien avez-vous gagné?»

Mme Babin: «Je ne répondrai pas».

Nouvelle bronca des familles de victimes – le président laisse faire.

Me Benoît Denis ferme le ban: «Étiez-vous bien armée pour faire prévaloir l’intérêt général sur vos intérêts particuliers?»

La prévenue se défend comme elle peut, mais le mal est fait. Ses avocats se lèvent pour «crever l’abcès» de la prise illégale d’intérêt écartée des poursuites mais présente dans toutes les têtes. Me Charrière-Bournazel enchaîne: «Aviez-vous des relations personnelles au sein de la DDE, des moyens pour influer sur ses décisions»?

Mme Babin: «Absolument pas».

Me Rocheron-Oury en revient au dossier: «Est-il possible de connaître la valeur d’une cote de référence que ceux-là mêmes qui sont chargés de la définir ne connaissent pas? «

Mme Babin: «Non.

– À plus forte raison, est-il possible, alors, de la dissimuler?

– Je ne vois pas pourquoi j’aurais dissimulé une cote qui n’existait pas».

Reprise des débats jeudi après-midi.

Laisser un commentaire

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.

Ne pas oublier
(Environ 40 minutes de vidéo, 8 films) Passez en mode plein écran en cliquant dans le coin bas/droit de la vidéo
Voir directement sur Youtube
Connexion
Attention

Afin d'éviter tout abus, vous devez maintenant vous enregistrer sur le blog afin de pouvoir faire un commentaire.
Cliquez ici pour vous enregistrer
Cliquez ici pour modifier votre profil
Cliquez ici si vous avez oublié votre mot de passe
Stats
Précisions
Ce site n'est pas le site de l'AVIF, ni d'aucune autre association.
C'est un site qui appartient à une société privée et relate ce qu'il se dit dans la presse, associations, localement ... depuis le 28/02 en laissant la parole à chacun et ceci sans censure ni pression.
Si vous souhaitez accéder au site officiel de l'AVIF, veuillez cliquer ici
Faites un don
Aidez à l'hébergement de ce site sur serveur dédié.
Merci d'avance aux donateurs.

Com. récents
Historique
octobre 2014
L M M J V S D
« Sep   Nov »
 12345
6789101112
13141516171819
20212223242526
2728293031  
Téléchargements
Voici les liens des plus longues vidéos concernant la tempête xynthia
N'oubliez pas de faire clic droit enregistrer sous:

Zone interdite (mkv)

Des catastrophes pas si naturelle que ça (flv)

Documentaire de l'agence CAPA diffusé sur FR3 (wmv)

Débat avec PPDA sur FR3 (wmv)

Audition du préfet au sénat (flv)

Vous pouvez lire toutes ces vidéos avec VLC
Vidéos
Suite à une mise à jour, certaines vidéos ne sont plus accessibles sur le site, nous y travaillons et rien n'est perdu. Si toutefois vous souhaitez en voir une en particulier envoyer l'adresse de la page concernée à contact@lafautesurmer.net nous la traiterons en priorité. Merci