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L'ancien maire de La-Faute-sur-Mer, René Marratier, ce vendredi

Ce vendredi, les plaidoiries de la défense ont fait prendre à l’audience une nouvelle dimension après cinq semaines de procès. Des peines allant jusqu’à trois ans de prison ferme ont été requises mercredi à l’encontre des quatre prévenus. Jugement le 12 décembre.

Envoyé spécial aux Sables d’Olonne

Après avoir entendu, pendant plus d’une semaine, les parties civiles, le tribunal des Sables d’Olonne avait jugé opportun de se transporter à La-Faute-sur-Mer, commune vendéenne dévastée, le 28 février 2010, par la tempête Xynthia. Ce déplacement, d’une utilité judiciaire relative, avait, d’une certaine manière, emprisonné les débats dans la fameuse «cuvette», théâtre de la mort par noyade de 29 personnes. De fait, pendant cinq semaines, l’audience a eu du mal à s’élever au-dessus du niveau de la mer.

Il aura fallu attendre les plaidoiries de la défense, après un réquisitoire bavard, brouillon, dont la sévérité confine à l’absurde faute de démonstration de culpabilité solide – des peines allant jusqu’à trois ans de prison ferme ont été requises à l’encontre des quatre prévenus qui répondent d’ «homicides involontaires aggravés» -, pour qu’enfin, l’audience s’extirpe de la glaise maléfique de La Faute et prenne la dimension qu’on aurait souhaité lui trouver dès le 15 septembre.

Vendredi matin, Me Matthieu Hénon, le premier, s’est levé pour l’ancien maire, René Marratier, le plus lourdement accablé par le ministère public (4 ans dont trois fermes requis, assorties de 30.000€ d’amende). Le jeune avocat n’a pas peur de déplaire, il ose étriller le procureur, fustiger l’atmosphère outrageusement compassionnelle du procès – tout en s’inclinant avec tact devant la douleur des victimes – , et dire du bien de son client. C’est un véritable parachute ascensionnel qu’il déploie au bénéfice de l’ancien garagiste, élu quatre fois d’affilée depuis 1989 à la tête de la commune. Déplaire n’a pas de sens, dans une enceinte de justice, si l’on n’a ni talent ni, en l’espèce, bagage juridique sérieux: Me Hénon a les deux, et c’est un bonheur de l’écouter défendre un homme «injustement frappé de tous les anathèmes» et dresser l’acte d’accusation de ceux qui ne sont pas poursuivis: les agents de l’État, dissimulés derrière la «fable du petit préfet aux poings liés par son ministre». «Pour eux, siffle l’avocat, pas de faute; des “dysfonctionnements”, des “hiatus”, des “oublis”, des “erreurs”. Mais René Marratier, lui, a été qualifié d’“autiste” (par le président, le 16 septembre) et d’“assassin” par une sous-préfète rentrée tranquillement chez elle à 18h30 le 27 février 2010».

Un prévenu «étranger à son propre procès»

Le «roi René» redevient enfin le garagiste de Luçon, sans diplôme – pas même le bac: «Jamais le ministère public, qui a demandé sa tête, jamais le tribunal, n’ont posé la moindre question sur l’homme qu’il est, sur le fils d’ouvrier installé à La Faute il y a 40 ans, tout près de la digue, aimé des siens, respecteux de l’autorité. Des parties civiles vous savez tout, mais de ceux que vous devez juger, vous ne savez rien. Une bonne justice ne peut être rendue au nom des victimes, nul homme ne peut être condamné pour n’avoir pas trouvé les mots qui réchauffent le coeur; il n’y a rien de vulgaire à faire, ici, du droit».

Me Hénon en fait, du droit, cite des jurisprudences, rappelle à quel point la commune était dépendante de l’Etat via la DDE, et le voilà qui lamine les griefs portées à l’encontre de M. Marratier, notamment le défaut d’information de ses concitoyens sur les risques d’inondation. Il liste une série d’initiatives de 2001 à 2009 – les parties civiles, nombreuses, murmurent leur désapprobation. Mais l’orateur isole Xynthia des calamités de routine: «Personne ne savait, pas plus René Marratier qu’un autre, qu’un tel cataclysme» pouvait survenir. Donc, il ne saurait être retenu une faute caractérisée au prétexte qu’il n’avait pas été envisagé qu’une tornade de cette ampleur s’abatte entre Nantes et La Rochelle.

Me Antonin Lévy prend le relais. Il dresse d’abord le portrait d’un prévenu «étranger à son propre procès», faute d’écoute par un tribunal qui, étonnamment, bénéficie d’une «assistance psychologique», la même que celle réservée aux victimes. Il s’emporte contre les demandes financières cumulées visant son client – «23,8 millions d’euros» – et la lourdeur de réquisitions destinées à «mettre René Marratier au ban de la société». Puis il lacère les charges, mettant en exergue, après Me Hénon, un véritable problème: si elles sont fondées, et il appartiendra au tribunal de le dire, leur pertinence n’a pas été démontrée par le ministère public qui en avait la charge mais qui, plutôt qu’à la jurisprudence ou au code pénal, s’en remettait au cinéma, par le biais d’une référence osée à une fiction italienne de 1963, «Main basse sur la ville».

Me Lévy relit les consignes qui accompagnent l’avis de vigilance rouge de février 2010: «Dans la mesure du possible, restez chez vous». Et l’on reproche à M. Marratier de n’avoir pas planifié d’évacuation en prévision d’un risque imprévisible, en tout cas si peu prévu que le centre de secours de l’Aiguillon et La Faute sur Mer s’est lui-même trouvé inondé par les effets de Xynthia? «Ce soir là, insiste Me Lévy, René Marratier est rentré se coucher chez lui, derrière la digue. L’aurait-il fait s’il avait eu conscience du risque?» Et de conjurer le tribunal de «contenir ces sentiments qui nous harcèlent, pour rendre la justice».

Me Didier Seban ferme la marche. Rompu au droit public, habitué des tribunaux mais aussi des assises – souvent du côté de la partie civile – il dit son «honneur de défendre un honnête homme. À La Faute aussi, il y a des gens qui l’aiment et qui votent pour lui. Pendant 25 ans, il a voulu développer sa commune; il y faisait bon vivre, ça le rendait heureux, il ne s’est pas enrichi d’un centime. Après Xynthia, il est devenu cardiaque, il a perdu son fauteuil de maire, il vit toujours dans la «zone noire» sous la menace d’une expropriation». Me Seban s’adresse aux victimes: «Avant Xynthia, nous étions comme vous, mais il vous est arrivé quelque chose qui ne nous est pas arrivé. Il y a deux humanités séparées qui doivent se retrouver. Victime, ce n’est pas un statut, vouloir vous y enfermer c’est vous faire injure. Vous le savez bien: René Marratier n’est pas le responsables de tous vos malheurs».

Les «branquignols» de la préfecture

À l’en croire, les véritables fautifs, aimablement qualifiés de «branquignols», se trouvent à la préfecture, qui en prend pour son grade, comme d’ailleurs le procureur qui voulait faire croire que La Faute, en raison de l’afflux estival, était non pas un bourg de 1000 habitants mais une cité de 40.000 âmes, comparable à Saint-Ouen («1500 fonctionnaires municipaux», cingle Me Seban) ou à Chartres («1200 fonctionnaires dont 8 pour l’urbanisme»). Car M. Marratier, à la tête d’une administration de poche et «respectueux de l’autorité», s’appuyait sur l’État, pour tout. La responsabilité du plan de prévention du risque inondation (PPRI) incombait à l’Etat. Or, il n’y en avait pas à La Faute. D’où le raisonnement de Me Seban: «Si l’État était conscient du risque, il s’agit d’une faute impardonnable. Sinon, il ne peut pas être reproché au maire de ne pas l’être».

Il passe au laminoir la question ubuesque de la «cote de référence» imposée par la DDE pour les hauteurs de construction, alors que sa valeur n’apparaît nulle part. Une «bourde», dénonce l’avocat, qui crée «une clause inapplicable» au moment de délivrer les permis de construire. Il déroule sa démonstration, fustige les textes innombrables et incompréhensibles, cite Montesquieu ( «les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires»), et affirme que la peine la plus lourde jamais prononcée contre un maire pour homicides involontaires était de 10 mois avec sursis (incendie de la discothèque le «5-7», 146 morts en 1970). «Je vous demande de le relaxer», conclut-il au terme d’une plaidoirie de 70 minutes en tout point remarquable.

«La justice ne se rend pas au nom des victimes, mais au nom du peuple français, sinon c’est le talion», rappelait ce vendredi Me Seban. Il a raison de placer ainsi le tribunal, destinataire d’un réquisitoire davantage destiné aux parties civiles qu’à des juges, devant ses responsabilités, avec le spectre d’un procès en appel coûteux qui pourrait être évité si les attendus à venir étaient de ceux qui apaisent. Et pas de ceux qui attisent car, écrivait Mauriac, «la vengeance déguisée en justice, c’est notre plus affreuse grimace».

Jugement le 12 décembre.

7 réponses à to “La plaidoirie de la défense réveille le dernier jour du procès Xynthia (Le Figaro)”

  • Musette says:

    Les Préfectures avancent lentement en concertation avec les maires, pour éviter les recours contre les plans de prévention (on a vu dans le cas de La Faute, 4 recours gangés par l’élu que nous sommes (On espère que ces juges administratifs dorment bien).Ensuite, on peut tomber à bras raccourcis sur l’incurie de l’Etat!

  • KIWI says:

    http://escales.wordpress.com/2014/10/16/xynthia-de-meprisables-petites-combines/

    Mes excuses c est nouveau pour moi
    Mais si vous voulez suivre une autre ville vous informant des droits du littoral suivez « SOS normandeliere » veille mais le nouveau site. Marratier ce n’est rien c’est vraiment un tout petit maire car ici pour un budget proche à brétignolles sur mer en vendée lui il veut faire un port carrément en faisant exploser les rochers millénaires en mer et en faisant enlever une d’une très haute de sable
    Me <Lepage suit le dossier aussi!!!

  • KIWI says:

    Voila de quoi réfléchir ce que ressentent les gens non fautais

    Non les membres de l’AVIF ne sont pas des extraterrestres, il se passait bien quelque chose de bizarre à la faute

  • Jean-Pierre MONTREUIL says:

    …Exercice inverse;
    J’aurai bien aimé entendre ces trois « ténors » du barreau plaider pour les parties civiles…
    Quel en aurait été leur plaidoiries, et il est à imaginer que les « mis en examen » n’auraient pas été traités ni perçus de la même manière. Il auraient certainement « écopés » de lourdes sanctions…
    Il n’y a pas dans ce contexte de « gentils » et de « méchants » et vice et versa, mais des professionnels « d’effets de manches » capable de tout et son contraire, et font abstraction du « compassionnel » pour les victimes quant cela les arrange, et s’efforcent de le mettre en avant quant ça les arrange aussi en arguant en faveur de René Marratier:

    «Jamais le ministère public, qui a demandé sa tête, jamais le tribunal, n’ont posé la moindre question sur l’homme qu’il est, sur le fils d’ouvrier installé à La Faute il y a 40 ans, tout près de la digue, aimé des siens, respectueux de l’autorité. Des parties civiles vous savez tout, mais de ceux que vous devez juger, vous ne savez rien ».

    Donc il faut relativiser et penser que maintenant le verdict des juges qui, on peut l’imaginer auront en tête l’ensemble de tout les éléments à charge et à décharge proposeront en toute indépendance une sentence juste et souveraine.(Juges malmenés et sujet aux « réprimandes » leçons de comportement, des susdits avocats)

  • souris85 says:

    Reste un principe de droit qu’on rappelle à tout justifiable : » nul n’est sensé ignorer la loi » ni s’assoir dessus…

  • brigitte says:

    Du grand spectacle ce matin pour les plaidoiries des trois avocats de M Marratier !
    Ils ont bien fait le boulot pour lequel ils sont payés (avec nos impôts).

    Les journalistes du Figaro ont été sensibles au professionnalisme de ces trois compères et les amis de RM se sentent sans doute rassurés. Mais ce serait oublier que les juges connaissent leur dossier sur le bout des doigts et qu’il ne leur aura sans doute pas échappé les lacunes fort bien dissimulées mais présentes dans ces jolies « démonstrations ».

    Rendez-vous le 12 décembre pour connaître le dénouement de « main basse sur La Faute »

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