LE PROCÈS XYNTHIA, DU NOM DE LA TEMPÊTE QUI A COÛTÉ LA VIE À 29 PERSONNES À LA FAUTE-SUR-MER, S’ACHÈVE CE VENDREDI AU TERME DE CINQ SEMAINES DE DÉBATS. LE MINISTÈRE PUBLIC A REQUIS DE LA PRISON FERME CONTRE L’ANCIEN MAIRE ET SON ADJOINTE. RETOUR SUR LES MOMENTS MARQUANTS DE CE PROCÈS HORS-NORMES.

Vue aérienne du village inondé de La Faute-sur-Mer, en Vendée, le 3 mars 2010, après le passage de la tempête Xynthia.
afp.com/Bertrand Guay
Au début du procès, cinq personnes étaient assises sur le banc des accusés. A la fin, il n’en reste plus que quatre. Le procèsXynthia, du nom de la tempête qui a coûté la vie à 29 personnesdans le village vendéen de la Faute-sur-Mer, a été marqué par le décès d’un des prévenus, Patrick Maslin, adjoint au maire. Gravement malade, il n’a pas survécu aux cinq semaines de débats dans le palais des congrès des Sables d’Olonne, reconverti pour l’occasion en tribunal correctionnel. René Marratier, le maire de la commune au moment de la catastrophe, deux de ses adjoints et un promoteur immobilier étaient jugés jusqu’à ce vendredi pour « homicides involontaires ». Retour sur les moments forts de ce procès hors-norme.
La « nuit d’horreur » des victimes
Il ne fallait pas moins d’une semaine pour laisser le temps aux victimes de raconter « cette nuit d’horreur ». Comment ils ont vu les flots envahir leur maison. Dix centimètres d’abord puis rapidement 1,5 mètre. L’eau est montée jusqu’à 2,80 mètres par endroit. Or, à la Faute-sur-Mer, la majorité des maisons sont de plain-pied. Tous se souviennent du fracas du vent qui brise les fenêtres et les portes. Leurs tentatives désespérées pour survivre en grimpant sur un escabeau, un buffet ou un muret.
« Pour moi on n’avait aucune chance de s’en sortir », raconte, des sanglots dans la voix, Sandrine. Elle est venue avec son mari et ses deux enfants – 3 et 6 ans – passer le week-end chez ses parents. Un temps pris au piège de la maison, ils parviennent finalement à sortir par la fenêtre. « On s’est retrouvés les six dans l’eau froide, dans les vagues et les remous. On avait peur de perdre un des enfants. » Un canapé flotte dehors: ils y déposent les enfants et la grand-mère qui s’est cassée le coude dans la précipitation. Sandrine veut monter dessus, le canapé s’enfonce dans l’eau. Elle attendra, de l’eau glacée jusqu’au cou, les pompiers pendant plusieurs heures. « J’étais congelé. J’avais plus que la tête qui dépassait. Je sais pas comment j’ai fait pour tenir. Je mourrais tout doucement… A un quart d’heure près j’étais mort », confie son mari à la barre.
Des récits comme celui-ci, il y en a des dizaines. A l’instar de celui de Fabrice qui se souvient avoir assisté impuissant au décès de ses voisins. « Quand Patrice et Murielle ont disparu, j’ai réalisé que dans les maisons autour de moi il n’y avait aucun signe de vie, on était seuls. » Ou d’Ahmed Bounaceur, médecin urgentiste, qui a vu périr sous ses yeux sa mère, sa femme et trois de ses quatre enfants. Il confiera à la barre qu’il « aurait voulu mourir avec eux ». « J’ai vu les corps qui flottaient. Celui de ma mère, de ma femme. J’ai compris que plus rien ne serait comme avant. » Et d’ajouter: « J’entends encore les cris de mes enfants qui m’appelaient à l’aide. Je ne pouvais rien faire. J’étais à bout de forces. »
Retour sur les lieux du drame
Pendant le procès, une journée est prévue pour se rendre sur les lieux du drame. Un car a été affrété. Pour certaines victimes, c’est la première fois qu’elles retournent à la Faute-sur-Mer depuis la nuit du 28 février 2010. Si le cortège a parfois des allures de pèlerinages, l’objectif est de comprendre comment des familles entières ont pu être prises au piège dans leur maison. Sortir de l’argumentaire théorique des plans d’urbanisme ou de non-respect de la loi littoral pour voir, sur le terrain, les conséquences des multiples manquements à la sécurité.
Aux origines du drame, le développement touristique de cette commune située sur une langue de terre, prise en étau entre l’océan et une rivière. Des permis de construire ont été accordés sur des terres inondables, toujours plus près de la mer. Au total, plus de 500 maisons ont été placées en zone noire après la tempête Xynthia et détruites par l’Etat.
Au fil du parcours, les magistrats et les victimes déambulent entre les pancartes indiquant le nom et l’âge des habitants noyés. Des piquets rappellent la hauteur du plafond de l’habitation et de l’inondation. Devant la maison d’Ahmed Bounaceur, les marques de couleur ne sont distantes que d’une dizaine de centimètres. Deux marques de couleur pour se rendre compte du drame.
Les manquements du maire et de ses adjoints
Avec les victimes, le président du tribunal, Pascal Almy, fait preuve de beaucoup de patience. Il veut « libérer la parole ». Quitte parfois à sortir de son rôle, comme lorsqu’il conseille à une retraité d’aller voir un psychologue. Le décalage est d’autant plus gênant qu’il n’hésite pas à tancer René Marratier, le principal accusé, à chacune de ses réponses, allant-même jusqu’à le traiter « d’autiste ». Il l’interrompt sans cesse, le ton est sec parfois agressif. Malgré l’horreur des récits, la Cour doit garder la distance nécessaire pour juger de manière équitable. C’est là même sa mission première. Etre compréhensif, oui, mais pas compassionnel pour pouvoir juger en toute objectivité.
Certes, les fautes et les manquements sont indéniables. En premier lieu, la construction de centaines de maisons sur une zone inondable. Les accusés ont pourtant été mis au courant des risques par plusieurs lanceurs d’alerte. Mais ils préfèrent ignorer ces « emmerdeurs ». Et pourquoi n’ont-ils pas averti les habitants de ces quartiers lorsque la Vendée a été classée en vigilance rouge par Météo France? Les familles des victimes leur reprochent également de ne pas pris en compte leur douleur. Aucune minute de silence lors du premier conseil municipal. Refus d’une plaque commémorative avec le nom des victimes. Des rendez-vous ignorés.
Pour cela, René Marratier demandera pardon. « Je n’ai sûrement pas eu les mots qu’il fallait. Je m’en excuse. » Mais pas pour avoir freiné l’adoption du plan de prévention des risques d’inondations. « Nous n’avons pas failli à notre mission. Il n’y a pas eu de manquements », déclarera-t-il au troisième jours de son procès. Sa maladresse est frappante. « J’ai fait ce que j’ai pu avec mes faibles compétences mentales et intellectuelles. Je n’avais pas les armes », déclare-t-il. Le conseil municipal est dans « un comportement de déni » des risques, expliquera le préfet de l’époque. Il préfère développer sa commune, très prisée des touristes.
Au terme d’un réquisitoire bancal de plus de quatre heures, le ministère public a requis de lourdes peines. Trois ans de prison ferme contre René Marratier, deux ans ferme contre son adjointe à l’urbanisme, un an ferme contre l’agent immobilier et un an avec sursis contre le dernier adjoint. Selon l’avocat général, les élus portent la responsabilité totale de cette dramatique nuit.
Le jugement est attendu le 12 décembre.
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