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L’avocat général a requis ce mardi matin quatre ans de prison, dont deux ferme, contre l’ex-maire de la Faute-sur-mer, jugé pour 29 homicides involontaires aggravés. | AFP
L’avocat général a requis ce mardi matin quatre ans de prison, dont deux ferme, contre l’ex-maire de la Faute-sur-mer, jugé pour 29 homicides involontaires.
L’avocat général du tribunal de Poitiers, Thierry Phelippeau, a requis quatre ans de prison, dont deux ferme, à l’encontre du principal prévenu du procès Xynthia, le maire de la Faute-sur-Mer, entre 1989 et 2014, René Marratier. L’avocat général a également demandé à ce que le prévenu, qui demeure conseiller municipal à ce jour, ne puisse plus exercer de fonction publique.
« Un maire d’une commune aussi vulnérable, se doit d’être en mesure de prendre connaissance à tout moment des informations, des messages d’alerte. Ou d’organiser un système de réseau. Cela fait partie des diligences normales, attendues d’un maire. Cet amateurisme et cette négligence sont inconcevables. Cette faute est lourde de conséquences », a indiqué le magistrat, au cours de son réquisitoire, faisant référence au 27 février 2010. Le jour de la tempête, René Marratier n’a pas lu les messages envoyés par la Préfecture, l’alertant de l’imminence de la catastrophe naturelle.
En première instance, l’élu qui comparait libre, avait écopé de quatre années de prison ferme.
Un parfum de conflit d’intérêt
L’avocat général a également requis deux ans de prison dont 15 mois ferme, ainsi que 75 000 € d’amende pour l’ex-adjointe à l’urbanisme Françoise Babin, qui avait été condamnée à deux ans ferme et la même peine d’amende en 2014. Cette dernière, élue depuis 1989, avait selon le magistrat,« le même niveau d’information que M. Marratier », mais tente depuis 2010 de se« retrancher derrière une amnésie ».
Enfin, dix-huit mois dont la moitié ferme ont été requis pour son fils, Philippe Babin, promoteur immobilier et président de l’association propriétaire de la digue de la Faute-sur-mer, qui avait écopé de 18 mois ferme l’année passée. Thierry Phellipeau se justifie : « La digue aurait dû faire l’objet d’une surveillance particulière ce soir là. M. Babin en avait bien conscience. Cette surveillance renforcée aurait permis d’alerter sur une élévation anormale et dangereuse du niveau de l’eau ».
Le soupçon de conflit d’intérêt n’est pas étranger aux deux peines requises pour les Babin. La mère et le fils avaient conscience des risques d’inondation, selon l’avocat général, mais étaient néanmoins engagés dans une entreprise immobilière et florissante depuis plusieurs années. Françoise Babin a vendu 114 terrains en 13 ans.
Des réquisitions allégées
Les peines requises sont allégées, parfois de moitié, par rapport à celles délivrées en première instance, elles-même plus légères que celles requises aux Sables d’Olonne. L’avocat général affirme avoir tenu compte de l’absence de condamnations pour les trois prévenus, mais il ne voulait toutefois pas faire l’impasse sur une peine ferme.
Pendant trois heures, ce mardi matin, Thierry Phelippeau s’est attaché, dans un réquisitoire très construit, à démontrer, année par année, document par document et étude par étude, la culpabilité des prévenus et leur connaissance de la capacité de submersion de la zone de la Faute-sur-mer touchée par la tempête Xynthia.
Avec parfois un soupçon d’ironie : « Tout cela serait risible si ce n’était pas aussi dramatique », a constaté le magistrat, au cours de son réquisitoire. Une phrase également prononcée par l’une des avocates des parties civiles, Corinne Lepage, la semaine passée, faisant référence à l’audition de René Marratier.
Les trois prévenus sont jugés en appel pour 29 homicides involontaires et mise en danger de la vie d’autrui, après que la tempête a ravagé une zone inondable de la station balnéaire vendéenne dans la nuit du 27 au 28 février 2010. Après les plaidoiries de la défense mercredi, le jugement sera mis en délibéré à une date pour le moment inconnue.
Ce mardi après-midi est consacré aux plaidoiries des avocats des sociétés Technique d’aujourd’hui (TDA) et Les constructions d’aujourd’hui (CDA), sociétés dont le gérant, Patrick Maslin, était également élu municipal à la faute-sur-mer, ami de René Marratier et prévenu en première instance. Il est décédé aux premiers jours du procès, en 2014, l’action publique à son encontre est donc éteinte, mais ses deux sociétés sont toujours condamnables.
Il est reproché aux deux entreprises de construction d’avoir bâti des maisons de plain-pied à la Faute, ne respectant ainsi pas les règles de sécurité. Elles sont toutes deux jugées pour homicides involontaires aggravés et mise en danger de la vie d’autrui.
L’avocat général a, ce mardi midi, requis 30 000 euros d’amende à l’encontre des deux sociétés. « Elles n’ont fait que leur métier » a argué leur défenseur, qui demande leur relaxe.
Une réponse à to “Xynthia. Quatre ans de prison, dont 2 ferme, requis contre Marratier (Ouest France)”
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Bonsoir à tous,
La Justice suit son cours, chacun joue sa partition.
Sans préjuger du délibéré, je me faisais quand même la réflexion que les peines requises, allégées, ne pesaient pas bien lourd au regard du nombre de victimes directes et indirectes.
Je n’ai pas, pour étayer ce sentiment, de chiffre exact des peines usuellement requises pour le grief d’homicide involontaire, mais cumulé à celui de mise en danger de la vie d’autrui, mis en perspective avec l’évidence de l’information dont les prévenus disposaient, des peines alourdies m’eurent parues plus adaptées, en terme de prison ferme comme de confiscation du pécule acquis au détriment des victimes.
De nombreuses considérations atténuantes m’échappent certainement…
Attendons donc le jugement pour mesurer le prix de la faute commise, qui ne sera jamais celui de la valeur des victimes ni des souffrances subies, bien que la Justice soit supposée « traduire » le préjudice en peine proportionnelle.
Bien cordialement.