
VIDÉO – Lors de la dernière journée du procès en appel des élus de la Faute-sur-Mer, la défense a une nouvelle fois plaidé la relaxe et dénoncé la tentation du ministère public de faire passer les accusés pour des boucs-émissaires.
À Poitiers
La cour d’appel de Poitiers s’est donné le temps de rédiger son arrêt, à l’issue du procès en appel pour les homicides involontaires présumés liés au passage de la tempête Xynthia, qui s’est achevé mercredi après-midi: elle le rendra le 4 avril 2016.
Il est vrai que cette décision revêtira forcément une tonalité très politique, alors que le principal prévenu de ce dossier est l’ex-maire de La Faute-sur-Mer, René Marratier, 63 ans. Un élu à l’ancienne, garagiste de profession, au verbe balourd mais constamment réélu depuis 1995 dans sa commune de 1.000 habitants – 20.000 pendant l’été -, quand, dans la nuit du 27 au 28 février 2010, un ouragan d’une puissance inouïe frappa la Vendée et tua 29 personnes à La Faute.
L’enquête s’oriente vite sur les carences de la municipalité en matière de prévention et d’anticipation d’éventuelles catastrophes. Les services de l’État, qui sont pourtant censés exercer une tutelle de fait sur l’urbanisme et la sécurité, sont promptement mis hors de cause, ce qui ne laisse pas d’étonner. Lors du procès en appel, l’avocat général a d’ailleurs reconnu que la préfecture et la DDE de Vendée n’avaient pas pleinement joué leur rôle.
Il n’en reste pas moins qu’aux yeux du ministère public, la responsabilité de M. Marratier, de celle qui fut sa première adjointe, Françoise Babin, et du fils de cette dernière, Philippe Babin, agent immobilier et responsable de l’entretien des digues de La Faute, est écrasante. Au terme d’un réquisitoire de belle tenue, juridiquement solide et intellectuellement très rusé, Thierry Phelippeau a finalement demandé mardi des peines proches de celles, d’une sévérité inédite, prononcées par le tribunal des Sables d’Olonne en décembre 2014. Mais, comme pour transformer en circonstance atténuante la relative incurie de l’État, il a demandé une part de sursis que la première instance avait écartée: 4 ans de prison dont 2 fermes pour M. Marratier, assortis d’une interdiction définitive d’exercer un mandat public, 2 ans de prison dont 15 mois fermes et 75 000€ d’amende pour Mme Babin, 18 mois de prison dont 9 mois avec sursis pour M. Babin.
Or, la sentence des Sables d’Olonne, motivée par des attendus d’une dureté exceptionnelle, dépassait largement les quantums généralement réservés aux auteurs d’homicides involontaires, un délit non intentionnel. Jusqu’alors, aucun élu n’avait jamais été condamné à plus de 10 mois de prison avec sursis, bien que d’autres catastrophes eussent parfois provoqué des désastres pires que Xynthia en terme de bilan humain. Le tribunal, tout au long de l’audience, avait donné l’impression de considérer les prévenus sans aucune bienveillance, pour employer un euphémisme. Sa décision semblait confirmer cette impression, puisque les trois juges avaient dépassé les réquisitions du procureur, énoncées après un réquisitoire mal fagoté, empreint d’une compassion envahissante à l’égard des victimes et, de l’avis général, déjà singulièrement sévère: 4 ans fermes pour René Marratier (4 ans dont un avec sursis et 30 000€ d’amende requis), 2 ans fermes et 75 000€ d’amende pour Françoise Babin (3 ans dont deux fermes et 50 000€ d’amende requis), 18 mois fermes pour Philippe Babin (2 ans dont un ferme et 50 000€ d’amende).
«Le trio infernal, c’est tellement plus facile que les responsabilités de l’État et la prise en compte des risques climatiques», a ironisé mercredi, sur fond de Cop 21, Me Didier Seban, l’un des conseils de M. Marratier. «Ni boucs-émissaires, ni lampistes», avait voulu déminer, la veille, l’avocat général, avant de requérir des peines exemplaires. Mais exemplaires en quoi? Certes, l’équipe Marratier ne saurait prétendre au prix d’excellence en matière de plans de prévention et d’évacuation. La préfecture aurait cependant dû taper du poing sur la table face aux atermoiements du maire, plus soucieux de développer sa commune en la lotissant que d’avertir ses administrés sur les risques d’inondation, au lieu de se contenter de déplorer sa «combativité juridique hors du commun».
On peut aussi s’interroger sur la naïveté de Fautais qui, bien qu’habitant derrière une digue, en-dessous du niveau de la mer, donc, prétendent avoir ignoré qu’il existait un danger de submersion. Ou sur la funeste intuition de ces personnes âgées qui refusaient que l’on ajoutât un étage à leur pavillon, alors que ce niveau supérieur les aurait sauvés en février 2010. Mais une fois passée la tragédie, il est quasiment impossible de poser ces questions sans se voir reprocher de manquer de respect envers les disparus, bien que cela ne soit évidemment pas le but: la défense avait, aussi, les bras liés par les convenances.
Les deux procès successifs ont mis en lumière les contraintes administratives mais également humaines pesant sur le maire, élu de terrain, père du bourg comme on disait d’un colonel qu’il était celui de son régiment. René Marratier était pris en étau entre une préfecture mollassonne et des électeurs exigeants. Il n’a pas toujours opté pour les bonnes décisions, sans doute, mais personne, à commencer par Météo France, n’avait prévu que Xynthia, déferlant pendant une marée à fort coefficient, engendrerait une telle furie de l’océan et de la rivière Lay, transformant, en l’espace de quelques heures, une partie de La Faute en Atlantide.
La cour d’appel de Poitiers a estimé que le bon arrêt serait rendu dans quatre mois. La voici, à son tour, prise en étau entre la colère des victimes et les craintes des milliers de «petits maires» susceptibles de rendre leur tablier, considérant, si l’un d’entre eux était lourdement condamné, que leur mission est devenue impossible.
14 réponses à to “Procès Xynthia : les anciens élus fixés sur leur sort le 4 avril (Le Figaro)”
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Oui, merci à la FENVAC pour le travail effectué qui nous a permis de suivre le procès, même de loin.
Certains n’ont sans doute pas compris que la FENVAC est la fédération nationale des victimes d’accidents collectifs et qu’elle aurait pu réserver ses écrits à ses seuls adhérents, c’est à dire les associations de victimes (dont l’AVIF).
En rendant ces notes publiques, elle permet à tous de s’informer sur les débats sans tomber dans les commentaires plus ou moins orientés des médias.
« L’autre blog » se permet d’ailleurs de publier ce verbatim ce qui paraît bien curieux quand on sait que les avocats des prévenus ont fustigé la FENVAC dans leur plaidoiries des Sables.
Ne cherchons pas de logique chez les gens de mauvaise foi !
Allez comme je ne suis pas à une insulte prés, je ne ferai pas une citation du Général de Gaulle comme ceci fut fait au procès, je me permet de citer juste un comédien, Coluche, chacun sa culture, et surtout citation qui est aussi valable pour moi.
« L’intelligence chez l’homme, quoiqu’il en soit pourvu, il a toujours l’impression d’en avoir assez, vu que c’est avec ça qu’il juge ! »
Houla je m’en vais attirer les foudres là (ou pas, pour ceux qui n’ont pas compris)
Merci Monique94 pour cette précision : cela explique d’autant les démangeaisons de la plume de quelques uns … 😉
Elfes, il n’est pas possible de faire des commentaires sur « l’autre blog »…..tu peux juste signer les pétitions de soutien aux condamnés.
Bonsoir à tous,
Sonnez les cloches, c’est le retour des trolls !
C’est rassurant, je les croyais disparus, happés par « l’autre blog », vraiment libre, respectueux et tellement constructif.
Mais ils doivent s’y ennuyer un peu… donc ils nous rendent une visite courtoise !?
Si j’étais retraité, je prendrais volontiers le temps d’aller troller « l’autre blog », sous de multiples pseudos, à mes heures perdues ! 😉
Mais je ne le suis pas, et je préfère utiliser mon temps libre à m’informer, ici, comme sur le site de la FENVAC, qui fait un travail remarquablement utile pour ceux qui n’ont pu assister au procès.
Merci encore à celles et ceux qui donnent de leur temps pour cela, à la FENVAC, comme sur ce blog, comme l’association Artistes pour Xynthia, et certainement d’autres, plus anonymes mais tout aussi généreux.
Avec mes respectueuses salutations (sauf pour les trolls ! 😉
Les plaidoiries de la défense figurent bien mais il manque la fin. Cela est noté en gras en bas de page par la Fenvac qui n’a rien a cacher.
Est-ce que la Fenvac doit se justifier auprès de M. Henri Pierre Troll? Est-ce qu’après huit semaines de procès quelques paragraphes manquants vont changer quoi que ce soit? Rappelons que les juges ne se servent pas du verbatim de la Fenvac mais de ceux des greffiers et des « écritures » des parties, bien plus complètes.
Plutôt que d’accuser la Fenvac de censure ou d’un quelconque complot, n’est-il pas, par exemple envisageable que compte tenu de l’heure tardive de la fin de cette plaidoirie, la personne en charge de la transcription ait dû s’arrêter pour prendre son train?
@henri pierre, pas la peine de spammer le blog sur la même question. A toute fin utile je me permets de rappeler la définition du verbe franglais spammer. « Envoyer des messages électroniques indésirables, des pourriels, en grande quantité. »
Pour vous répondre, il suffit de chercher un peu, lisez ceci http://xynthia.fenvac.org/?p=341 daté du 2/12/2015 et en toute objectivité comme vous le dîtes, je ne suis pas sur que vous, vous soyez très objectif. D’autre part la Fenvac n’a pas à expliquer quoi que ce soit et joue son rôle de rapporteur.
Fenvac toujours pas de plaidoirie de la défense de RM
Pourquoi? ??
On peux se poser des questions sur l objectivité de cet organisme
Pas de courage et pas d explications! !!!
Rescapés de Xynthia dans la tempête judiciaire
http://www.lanouvellerepublique.fr/Deux-Sevres/Actualite/24-Heures/n/Contenus/Articles/2015/12/06/Rescapes-de-Xynthia-dans-la-tempete-judiciaire-2555468
Il ne manque que la fin de la plaidoirie de Didier Seban
Pourquoi Fenvac ne publie pas la plaidoirie de la défense de
RM
Il y aurait quelque chose à cacher ???
Si c’est ainsi que « les victimes qui doivent revenir dans la cité » comme le disent si bien les avocats de RM sont accueillies c’est pas gagné.
Sieur Durand Souffland pourtant respecté comme quelqu’un de notable dans les affaires judiciaires Françaises et signataire de cet article est peut être comme nous le fûmes tous, dans la difficulté de savoir qui finalement parlait.
Me Seban avait annoncé qu’il s’exprimerait ponctuellement à la 1ere personne pendant ses plaidoiries ce qui ajouta une certaine confusion dans ses propos.
Cet amalgame volontaire de la part des avocats de René Marratier se ressent entre autre dans cet article.
En tout cas une chose est sure, nous entendrons localement et sur les « blogs » ou twitter, des personnes qui joueront de cette confusion jusqu’au 4 avril prochain.
Il est dorénavant clair pour les soutiens que les prévenus ont été défendus et c’est tant mieux.
M’entendre dire devant témoins qu’il faut me casser la gueule, que je suis un chacal, ou un con, ne me touche pas, respectons cette république qui est la notre, si nous souhaitons que notre village se reconstruise, laissons la justice passer!
Un article bien confus de la part du Figaro….
On a du mal à faire la distinction entre les paroles attribuées aux avocats de la défenses et les commentaires propres au journaliste. Du bien mauvais travail sur la forme !!!
Sur le fond on peut dire que Xynthia n’a jamais été un « ouragan », que les services de l’Etat n’ont pas été mis hors de cause mais qu’un tribunal correctionnel n’est pas le lieu pour les juger : il faut aller devant le Tribunal Administratif.
Quant à dire que « l’équipe Marratier ne saurait prétendre au prix d’excellence en matière de prévention » c’est là qu’est l’euphémisme et non dans le manque de bienveillance du Tribunal des Sables à l’égard des prévenus comme le prétend l’auteur de cet article.
La « naïveté des Fautais » réside dans le fait d’avoir cru leur Maire sur parole et non pas d’avoir acheté une maison derrière une digue et je ne sais pas d’où vient cette idée que « des personnes agées refusaient que l’on ajoutât un étage à leur pavillon »…..