Monsieur Thierry LATASTE se présente à la barre.
Le Président : Il y a différents points à examiner avant de vous entendre. Un de nos huissiers va vous accompagner hors de la salle, nous reviendrons vous chercher ensuite.
Me Maistre se constitue partie civile pour une [nouvelle] victime qui n’a pas été entendue pendant la procédure. Il demande l’aide juridictionnelle provisoire, le Président la lui accorde.
Les avocats de la défense demandent que les conclusions déjà déposées soient déclarées opposables à cette nouvelle partie civile.
Me SEBAN (défense) : Monsieur Marratier souhaite faire une déclaration.
Monsieur MARRATIER :
Monsieur le Président, je souhaiterais dire quelques mots après ces premières journées d’audience consacrées aux victimes et au drame qu’elles ont vécu. Je ne me suis pas reconnu dans l’homme qu’on vous a décrit. Je ne pense pas être cet homme-là, et pourtant c’est comme cela que les parties civiles me voient. C’est dur, très dur à entendre. Depuis le début de ce procès, je m’interroge sur ce que j’ai pu faire, dire, ne pas dire, pour blesser et choquer chacune et chacun d’entre vous.
Certains diront que c’est trop tard. Mais je veux quand même vous dire qu’au lendemain de la catastrophe, j’étais K-O debout devant l’horreur du drame qui vous frappait. Je n’ai sûrement pas eu les mots qu’il fallait, je m’en excuse.
Je me sentais responsable de ne pas avoir, sûrement, cette nuit-là compris ce qui allait se passer. Je m’en excuse.
Je ressentais aussi de la colère à mon égard, relayée par les plaintes, les interviews, le blog. Je me faisais et me fais tant de reproches, que je n’ai pas pu, sûrement, aller vers beaucoup d’entre vous.
Je reste persuadé que cette catastrophe m’a fait me replier dans le silence. J’ai alors cru qu’il fallait que je me consacre à la reconstruction de la Faute, à remettre cette ville en marche. C’est ce que j’ai voulu faire, je pense, en y consacrant tout mon temps et toute mon énergie. Les services de la ville aussi, malgré ce que vous avez ressenti. A ce titre, je veux remercier les adjoints, les employés municipaux, les employés de mairie, les bénévoles, les associations. On ne peut que remercier les filles et garçons de la commune.
Je reste persuadé que j’ai sûrement eu tort. Il y avait, sûrement, dans la profondeur de la douleur et de la souffrance, le temps du deuil et de la compassion. Je m’en rends compte très fortement aujourd’hui, et pour cela, je veux bien vous demander pardon.
Retour de Thierry LATASTE, accompagné par un huissier.
Audition de Monsieur Thierry LATASTE, Préfet de Vendée de juillet 2007 à janvier 2010 (aujourd’hui directeur de cabinet du Ministre de l’Intérieur) :
J’ai été Préfet de la Vendée de juillet 2007 jusqu’au 14 février 2010. Si le Tribunal m’y autorise, je voudrais d’abord m’incliner à la mémoire des 29 victimes décédées, et des autres.
Je suis à la disposition du Tribunal pour répondre aux interrogations que vous pouvez avoir sur l’action de l’Etat.
Le Président : Peut-être pourriez-vous nous éclairer sur la prise en compte du risque d’inondation pendant vos fonctions.
J’ai pris mes fonctions quelques semaines après que mon prédécesseur ait pris des dispositions contraignantes sur le projet de risque d’inondation de la Faute. Pendant la période à laquelle j’étais Préfet, j’ai veillé à faire appliquer les dispositions qui devaient être observées en terme d’urbanisme. J’ai suivi avec mes collaborateurs, ce dossier sur 2 plans : à la fois en faisant avancer difficilement, la procédure de mise en œuvre du PPRI (la mise en œuvre par anticipation venait à échéance en juin 2010) ; par ailleurs, comme il s’agissait d’une commune soumise à une pression foncière certaine et des autorisations littorales étaient régulièrement délivrées, les services du Préfet devaient veiller à ce que les autorisations d’urbanisme respectent le PPRI.
Le Président : Vous avez indiqué pendant vos auditions que vous aviez rapidement pris conscience de la posture de réticence de la commune de la Faute par rapport à ce PPRI.
D’une manière générale, il était difficile de faire accepter par la municipalité la réalité du risque et donc les conséquences qui devaient en être tiré. C’était le cas pour le PPRI, mais aussi pour d’autres dispositifs de prévention et de gestion de crise. Dès mon arrivée en août 2007, mon directeur de cabinet a dû écrire une lettre au maire de la Faute pour lui rappeler les obligations auxquelles il devait se soumettre. A plusieurs reprises, au fil des semaines et des mois, j’ai été amené à rappeler et à insister sur ce point.
Le Président : Comment expliquez-vous que les procédures de PPRI ont tant tardées à être mises en place ?
D’une manière générale, les procédures PPRI posent souvent des difficultés car elles touchent au patrimoine et au développement des communes. En Vendée, il y avait 69 communes concernées par un plan de prévention, et donc les services étaient mobilisés sur différents dossiers. Pour le cas particulier de la Faute, comme le PPRI était applicable (ndlr : par anticipation, du fait d’un arrêté préfectoral de son prédécesseur), ce n’était pas le plus haut niveau de mes préoccupations. La nécessité d’aboutir avant juillet 2010 était présente dans l’esprit de tous les responsables.
Le PPRI a donné lieu à des échanges, discussions, conformément à une circulaire du Ministre de l’Ecologie en 2007 (ndlr : « circulaire Borloo »), pour rappeler à quel point la procédure devait être concertée. J’avais le devoir de mener jusqu’au bout cette concertation.
Je savais qu’il y aurait un contentieux administratif derrière, donc il était important d’être solide juridiquement. D’autant plus que pour la Faute, il y avait un passé un peu lourd car mes prédécesseurs avaient voulu interdire une zone résidentielle, et que la Cour administrative d’appel n’avait pas suivi le Préfet. Les services de l’Etat s’étaient trouvés en échec à la Faute sur mer. C’est vrai que la prise en compte nationale du risque a évolué, les jurisprudences administratives aussi, mais ça restait présent. Vous verrez dans le dossier des réunions successives à ce sujet.
Il y a eu un travail de révision du PPRI fait par les services de la DDEA, du contenu qui a été durci. On a unifié les zonages bleu clair et bleu foncé pour une meilleure homogénéité. À l’issu de cet examen, le maire a été invité, sur un projet arrêté en août 2009, à une réunion en octobre 2009 lors de laquelle le projet de PPRI a été présenté.
Il y a eu une réaction et une délibération du conseil municipal de la Faute, demandant que la mise en place du PPRI soit reportée, ce que je n’ai pas accepté. Au moment où j’ai été muté, tout était sur les rails.
Le Président : Comment expliquez-vous qu’il n’y ait pas eu de PCS (Plan Communal de Secours) à la Faute ?
Le PCS est une déclinaison de l’organisation prévisionnelle des secours, des hommes à mobiliser, de la manière de prévenir, de loger, d’évacuer. C’est un devoir qui incombe au maire, le représentant de l’Etat a maintenu une pression que j’estime constante sur la Faute-sur-Mer comme sur d’autres communes de Vendée. Je l’ai rappelé plusieurs fois à l’ensemble des maires concernés, nous avons mis un modèle de PCS sur le site de la Préfecture. J’ai donné aux maires les services qu’ils pouvaient contacter. J’ai demandé à chacun des Sous-Préfets d’offrir un contact personnalisé à chacun des maires obligés de faire un PCS. Je dois dire qu’il y a eu 34 communes ayant eu des entretiens personnalisés, et certaines étaient plus allantes que d’autres.
Le Président : Vous estimez que l’Etat a apporté l’appui nécessaire à la mairie de la Faute-sur-Mer, pour l’organisation et la mise en place pratique de ce plan ?
Oui.
Le Président : Selon vous, qu’est-ce qui peut expliquer l’inertie de la commune ?
Le risque s’oublie, le risque se néglige. Si la Faute-sur-Mer a été particulièrement résistante, c’est une attitude que j’ai rencontrée dans d’autres points de France. Les enjeux sont importants, et l’on a l’impression qu’un risque n’aura pas d’occurrence lorsqu’il est défini comme centennal, biennal, millénial.
Notre civilisation est ainsi faite, le malheur s’efface. Je ne dis pas que ce soit une excuse, il est au contraire du devoir du Préfet de marteler, de rappeler. C’est ce que je crois avoir fait.
Le Président : Vous étiez au courant du courrier adressé par votre directeur de cabinet en 2007 à Monsieur Marratier l’invitant à mettre en place des systèmes d’alerte, tout cela dans le but d’informer le plus rapidement la population ?
Oui, tout à fait. Dans le même courrier, nous avions offert la possibilité de financer une étude pour mettre en sécurité le bâti existant, car le PPRI est pour l’avenir. L’Etat proposait de financer à 50% une étude pouvant permettre d’adapter les logements existants.
Le Président : Vous aviez proposé un entretien personnalisé pour aider à la mise en place du PCS. Quand ?
Les entretiens ont été proposés en mars 2008, constatant que ça n’avançait pas.
Le Président : Effectivement, en décembre 2007, vous signez le courrier de M. Cario (ndlr : chef de l’unité de risque de la DDTM) pour demander une étude.
La délibération nécessaire du conseil municipal n’est pas venue, malgré de nombreux rappels.
Le Président : Vous aviez rappelé à la commune de la Faute qu’elle devait être dotée d’un DICRIM dans le cadre du droit à l’information sur les risques naturels majeurs. Ce document indique une zone de sauvegarde, de prévention. Vous avez rappelé cette obligation dans une circulaire d’octobre 2007, et dans un autre courrier en 2008. Avez-vous été surpris de ne pas recevoir de réponse ?
Le comportement de déni de la commune de la Faute était malheureusement caractérisé dans d’autres communes en France.
Le Président : Cette commune était aussi soumise à l’obligation de renseignement biennal, là encore pour sensibiliser la commune sur le risque. Là non plus, cette obligation n’a pas été respectée à la Faute. D’après vous, l’Etat disposait-il de possibilités juridiques d’injonctions, voire de substitution ?
L’Etat avait établi des dépliants sur l’existence du risque qui étaient communiqués aux communes concernées. Ce n’est pas qualifiable de substitution, mais c’est quand même un moyen. Le Préfet n’a pas de pouvoir de substitution là-dessus.
Le Président : S’agissant de l’absence de DICRIM, vous n’aviez pas, en qualité de représentant de l’Etat, la possibilité d’enjoindre le maire ou de vous y substituer ?
D’enjoindre oui, de substitution non.
Le Président : Vous avez évoqué les différents PPRI en place en Vendée. Est-ce que celui de la Faute et de l’Aiguillon était différents ? Plus pressant, peut-être ?
On raisonne avec la charge des services, en fixant des priorités. La Vendée, c’est 69 communes concernées par un risque de ce type. Il y a 240 km de littoral, ça fait donc beaucoup d’endroits dans lesquels des pépins sérieux peuvent survenir. Comme je l’indiquais, mon souci majeur était le secteur de Noirmoutier, car il n’y avait pas de PPRI et la pression foncière était plus forte qu’à la Faute. Pour cette dernière, le PPRI était applicable par anticipation.
J’ajoute que sur Noirmoutier, il y avait une digue en très mauvais état et j’ai passé beaucoup de temps à batailler pour les autorisations et les financements pour les travaux de cette digue.
Le Président : Est-ce que la particularité géographique de la Faute vous avait été présentée ?
La Faute-sur-Mer était vue comme un des endroits les plus dangereux.
Le Président : Est-ce que vous avez souvenir de l’étude de SOGREAH de 2000 ?
Je n’en ai pas un souvenir précis, mais lorsque j’ai pris mes fonctions en Vendée mes collaborateurs m’ont présenté les problématiques qui se posaient, dont celle de l’inondation, et je pense que cette étude avait dû être mentionnée.
Le Président : Effectivement, dans ce rapport, nous trouvions la Faute-sur-Mer comme étant identifiée à un risque fort. Vous aviez ça présent à l’esprit ?
Je voyais bien la fragilité de la Faute-sur-Mer, je voyais aussi les risques de canalisation, de logements non maîtrisés du côté de l’Aiguillon.
Le Président : Aviez-vous été tenu informé par le Maire, ou par l’ASA de la digue, du respect des consignes de surveillance de cette digue ?
Non, je n’ai pas le souvenir d’avoir eu de retour sur ce plan la. La préoccupation sur les digues pour le Préfet était que dans la période du début des années 2000 à 2006, le financement de l’Etat prévoyait un volet pour les digues, ce dispositif ayant été délaissé ensuite pour des raisons de doctrine nationale. Lorsque je suis arrivé, je me suis préoccupé d’obtenir le maintien de ce dispositif pour 3 ans. Dans la période précédente, l’Etat finançait à 50%, puis ensuite plus qu’à 25%. J’ai fait lancer une étude sur la maîtrise d’ouvrage des digues en Vendée pour trouver des interlocuteurs ayant la capacité de superviser ces travaux. Enfin, j’ai obtenu des financements pour effectuer ces travaux.
Le dialogue avec les parties prenantes locales était difficile, car la maitrise d’ouvrage était celle de l’association (du propriétaire). La commune, sur l’autorisation de travaux, sur l’empiètement (élargissement de la digue) sur le domaine public, a été un sujet de ralentissement sur l’ensemble de ce processus qui a démarré début 2010, après 2 ans et demi d’efforts.
Le Président : Le refus d’empiéter sur le domaine public maritime était arrêté par les textes ?
Oui, le domaine public maritime est inaliénable.
Le Président : Aviez-vous été informé du changement effectué par la Mairie sur le contenu des travaux sur la digue Est ? Le conseil municipal de la Faute a voté une délibération qui prenait une position ferme sur le refus de voir empiéter la digue sur les propriétés riveraines. On est arrivé à l’arrêté que vous avez pris en août 2009. Avez-vous été au courant des modifications dans le projet initial ?
La Mairie n’a pas souhaité avancer avant d’avoir toutes les autorisations budgétaires. La mairie a souhaité attendre la subvention 2009 pour démarrer l’intégralité des travaux. J’ai été informé du débat domaine public / propriétés riveraines.
Le Président : En dehors des deux secteurs priorisés (E au Sud et H au Nord), la Mairie avait excipé le fait que les travaux sur les autres secteurs nécessitaient des expropriations et sollicitaient d’utiliser le domaine public maritime. Etiez-vous au courant qu’en ce qui concerne le zonage, les cartes d’aléas et d’enjeux classaient en zone rouge l’intégralité de la cuvette sud de la Faute, et qu’à la suite une entente avait été trouvée ? Avez-vous été informé de cette modification du zonage réglementaire à la suite d’une réunion avec les services de l’Etat en 2003 ?
Non, j’ai pris mes fonctions 4 ans avant l’épisode que vous venez de retracer. On m’avait précisé qu’il y avait des incohérences, des difficultés. Mon souci était d’entendre et de voir s’il fallait adapter le PPRI. Je sais également que par une faiblesse dans la rédaction du PPRI par anticipation, les dispositions applicables n’étaient pas cohérentes entre elles et qu’il était important de le corriger. Ce sont les deux aspects que j’ai en mémoire.
Le Président : Dans la doctrine de l’Etat, et dans le guide d’élaboration des PPRI, il est indiqué que lorsque la hauteur de submersion dépasse un mètre, ou lorsque la vitesse de courant dépasse le demi-mètre par seconde, la zone doit être classée en aléa fort. C’est le cas de la zone située derrière la digue. Lorsque le bureau d’étude a établi ce zonage réglementaire, qui n’était qu’un projet, il reposait sur des données très exactes, et il est vrai que la plupart des points côtés de la cuvette de la Faute-sur-Mer étaient dans une altimétrie basse et donnaient immanquablement, en cas d’aléa, une hauteur supérieure à un mètre. On s’en est rendu compte. Ce zonage était très précis, et incontournable au regard de cette doctrine de l’Etat, rappelée par une circulaire de 2002.
Est-ce que, de votre point de vue, il vous apparaissait possible de passer outre cette recommandation pour décider que dans une zone où la hauteur de submersion prévisible était de plus d’un mètre, elle pouvait être classée en zone bleu ?
Ce sont des domaines très précis, mais à ma connaissance je n’ai pas dérogé au guide. Sur le cas particulier du PPRI de la Faute, ces choix ont été rendus 4 ans avant ma prise de fonction.
Le Président : En tout cas, nous étions en zone d’aléa fort mais le zonage était bleu foncé. Ce qui me fait également vous demander si vous vous étiez informé sur les moyens que la DDE avait trouvé pour palier à cette défaillance (art R. 111-2). Vous pensiez que la prescription était appliquée, alors qu’en réalité elle ne l’était pas ?
Oui.
Le Président : L’article était bien prévu (art. 2 des permis de construire), mais la prescription n’était pas appliquée. Les constructeurs n’avaient pas la côte de référence. A aucun moment, on vous a tenu informé de cette difficulté ?
Je comprends ce que vous indiquez, j’en suis frappé, mais ça n’a jamais été porté à ma connaissance.
Le Président : Nous avons des maisons avec des personnes qui malheureusement sont décédées à l’intérieur, pour lesquelles cette autorisation de construire existe mais qui sont restées des maisons de plain-pied, insusceptibles de pouvoir respecter cet article 2. Dans le dossier, personne, au niveau des services de la DDE, n’avait été informé de ce hiatus.
Pour ce qui revient aux oreilles du Préfet, c’est la convention conclue avec la commune – de manière classique et depuis trop longtemps – c’est la mise à dispositions des services de la DDE pour instruire les dossiers au bénéfice du maire, autorité compétente pour prendre les autorisations de construire. Ensuite, pour les contrôles qui peuvent être fait, il faut un signalement au Préfet ou au Sous-Préfet. Les relations entre le service instructeur, au quotidien, avec la mairie… je n’avais pas l’occasion d’avoir des retours.
Le Président : Les permis signés étaient conformes, mais il fallait croiser l’altimétrie, la côte de référence et le projet d’une maison de plain-pied. Qui aurait dû, selon vous, assurer la vigilance sur ce point ?
Il me semble que c’est le chef du service qui a la responsabilité de l’urbanisme opérationnel à la DDE. Je ne connais pas suffisamment l’organisation interne pour savoir qui était chargé de telle ou telle subdivision.
Le Président : Vous avez signé, es qualité, la convention de mise à disposition. La dernière que nous ayons date de 2007. Comment interprétez-vous la disposition suivante y figurant : « pour permettre à la DDE d’exercer ses attributions, le maire lui adresse tous les documents […] nécessaires à l’instruction des dossiers » ?
C’est une question très technique sur laquelle, je l’avoue, je n’ai pas eu l’occasion de réfléchir. Il me semble que la municipalité doit donner tous les documents, toutes les études, toutes les données géographiques, topographiques. C’est le sens de cette mention.
Le Président : Au mois de juillet 2009, vous écrivez à M. Marratier, lui rappelant que dans une délibération du 5 août 2008 sa commune a souscrit à un plan d’urbanisme, et vous lui indiquez que dans le cadre de la prise en compte du risque, la commune devrait prendre en compte le PPRI. Vous lui rappelez également les 3 risques (inondation maritime, fluviale, feux de forêt). Vous lui rappelez qu’il lui faut limiter l’extension de l’urbanisation dans les zones soumises à des risques. Ce courrier du 8 juillet 2009, est-ce habituel ?
Il s’agit du « porté à connaissance ». Le service de l’Etat porte à l’attention du maire l’ensemble des données applicables dans le cadre d’un PLU. Ce document, souvent épais, de données diverses, est préparé par les services de l’équipement et sa notification au maire est obligatoire dans le cadre de mise en place du PLU, à charge au maire de l’utiliser.
Le Président : Lorsqu’on découvre cette délibération du mois d’août 2008, à aucun moment dans cette décision n’est évoquée l’existence d’un PPRI.
Je n’ai pas le souvenir, il y a peut-être une lettre de rappel. Mais le fait que l’Etat rappelle l’ensemble du droit positif est une formalité obligatoire pour tout PLU.
Le Président : Dans le cadre des négociations sur le PPRI entre les services de l’Etat et la commune, M. Marratier a exprimé plusieurs fois le fait qu’il n’était pas entendu, et que les services de l’Etat arrivaient avec des schémas théoriques qu’ils voulaient imposer. Ce sentiment était-il fondé ?
Je pense exactement le contraire. Nous sommes allés jusqu’au bout, dans le cas de la Faute comme dans d’autres cas, le Préfet comme le maire sont en charge de l’ensemble des intérêts publics sur la commune, le Préfet est en capacité d’entendre tout ce que le maire peut faire valoir. C’est pour cela que la présentation du projet s’est faite avec des réunions successives. Jamais la commune de la Faute n’a précisé la nature de ses préoccupations. Quant au dialogue, il suffit de voir le nombre de réunions ayant été tenues.
Le Président : Vous avez gardé le sentiment d’une opposition de principe à la mise en place du PPRI ?
Plutôt cela.
Le Président : Dans l’une des dernières pièces du dossier, le courrier que M. Marratier vous envoie après la réunion du 7 octobre 2009, où il énumère une nouvelle fois ses points d’opposition (ndlr : sur la zone rouge), où il demande à ce que soient pris en compte les travaux sur la digue pour modifier le zonage, où il indique qu’il n’y a pas de risque d’inondation au niveau du camping : tous ces points sont repris dans une réunion en novembre 2009. Mme Babin évoque la zone rouge derrière la digue, et demande s’il ne serait pas possible de lever l’interdiction moyennant le respect d’un niveau R+1. Est-ce que vous auriez pu prendre une décision prenant en compte cette suggestion, si vous étiez resté plus longtemps ?
Nous n’avons reculé sur rien. Je n’avais pas l’intention de céder, et je tenais à ce que la période d’enquête prévue début 2010 soit bien tenue.
Le Président : À propos du camping municipal, quelles orientations aviez-vous ?
Le camping était en situation irrégulière sur le domaine public maritime, il y avait eu un contentieux. Mon intention était de réduire progressivement le nombre d’emplacement. La commune, pour parer à la reprise par l’Etat, a demandé une nouvelle délimitation du domaine public maritime sur ce secteur. J’ai refusé cette demande, que rien ne me permettait d’accepter en droit. Il y a eu un contentieux ouvert par la commune devant les juridictions administratives.
Le Président : Saviez-vous que des travaux de rehaussement de la digue entourant ce camping avaient été effectués avant votre arrivée ?
Non.
Le Président : Est-ce que votre position était d’arriver à la fermeture de ce camping ?
C’était la nécessité d’arriver à la fermeture. Je suis resté dans la ligne de mon prédécesseur. Il était inévitable à terme de le fermer, effectivement.
Le Président : En dehors du fait que cet équipement empiétait sur le domaine public maritime, dans votre souvenir était également à l’origine de cette volonté de fermeture le risque de submersion ?
C’était croisé, notamment pendant la période hivernale.
Le Président : C’est une question difficile mais, avec la connaissance que vous aviez de votre département, au vu des bulletins qui annonçaient une surcote marine de 80cm, puis d’un mètre, est-ce que vous auriez été inquiet, spécifiquement pour la Faute-sur-Mer ? Et de votre point de vue, qu’aurait-il été possible de mettre en place ?
C’est très difficile. Le Préfet est en responsabilité dans l’instant avec les informations qu’on lui donne. La décision se prend à l’heure dite. Il est difficile de me transposer sur quelque chose que je n’ai pas vécu. Ce qui est sûr, c’est que j’aurais été inquiet sur toutes les zones fragiles du littoral vendéen, et j’aurais essayé avec les maires de prendre les dispositions les plus adaptées.
Le Président : J’ai dit justement « avec votre connaissance du département », alors que votre successeur venait d’arriver. Est-ce que justement, par rapport à la connaissance, la succession des responsables des services de l’Etat, cette absence de mémoire n’est pas un élément défavorable ?
C’est sûrement un facteur de fragilité. Tout le monde ne tourne pas au même rythme. Les Préfets, trop rapidement. Les collaborateurs de la préfecture sont très stables, cependant. Ce n’est pas tout l’Etat qui tourne à tout instant, et il y a une forme de permanence, de capacité d’apporter l’information pertinente au Préfet qui pour moi me paraît assurée.
Le Président : Néanmoins, si l’on constate la période d’affectation de Stéphane Raison, chef des activités maritimes à la préfecture, le temps est court (3 ans). Est-ce qu’il n’y aurait pas un problème à ce niveau-là ?
C’est une question à poser au ministère de l’écologie. C’est de la gestion des ressources humaines.
Le Président : J’évoque cela car vous aviez indiqué un manque de portage des dossiers. Dans la mise en place d’un plan d’alerte et de secours concernant ce risque de submersion, comment aurait-il été possible d’organiser la répartition des tâches entre la préfecture et la mairie, en l’absence de tout plan préalable, à l’arrivée d’un événement comme Xynthia ? Comment auriez-vous conçu cette répartition des tâches ?
Le maire a la responsabilité de la distribution des secours sur sa commune. Lorsqu’il y a un dépassement du cadre de la commune, c’est le Préfet qui prend la responsabilité de cette distribution. Les moyens mis en œuvre sont sous la responsabilité du préfet. Ce qu’a dû faire mon successeur, c’est mettre en place les moyens locaux et nationaux pour venir aux secours des personnes sinistrées. L’autre service dont dispose les représentants de l’Etat, c’est bien sûr la Gendarmerie. C’est ce qui se serait fait. Les services communaux sont principalement dédiés à la mise à l’abri, l’accueil, le réconfort.
Le Président : Si au cours de cette nuit du 27 au 28 février, quelqu’un s’était trouvé sur la digue à observer la montée des eaux et s’était rendu compte du niveau alarmant, et qu’une alerte aurait pu être donnée à la population, est-ce que des mesures auraient pu être prises sur ce terrain sans avoir recours à l’appui de la municipalité ?
Il est très difficile de raisonner en « si » sur une affaire que l’on n’a pas connue. Il est certain que sur une alerte suffisamment précise indiquant un risque de submersion, tous les moyens disponibles auraient été mobilisés pour apporter un soutien aux populations menacées. Je ne sais pas quelles étaient les conditions, il m’est difficile d’être plus précis.
Le Président : Il apparaît que personne, au niveau des services de l’Etat, n’a été en mesure de croiser l’information sur le niveau de la marée (le coefficient) et la surcote prévue par Météo France. Ce croisement aurait dû permettre d’avoir conscience que la digue Est pouvait être submergée. En tant que Préfet, auriez-vous été en attente d’un contact avec l’autorité municipale ?
On est toujours à disposition de l’autorité municipale. Je ne doute pas que mon successeur aurait été à disposition si l’alerte s’était manifestée.
Le Président : Qu’est-ce que l’Etat attend des messages automatiques envoyés aux maires ?
Le Maire est le premier responsable de la sécurité de ses concitoyens, donc il est important de lui apporter l’information d’une menace. À charge pour lui de prendre en compte l’information qui lui est donnée, et avec l’appui de ses services et de ses collègues d’en tirer les conséquences sur le territoire de sa commune.
Le Président : Est-ce que c’est un système d’information qui fonctionnait bien ? Les retours étaient-ils satisfaisants ?
C’était un progrès par rapport à ce qui avait pu exister auparavant. L’existence des téléphones portables, le passage à l’automate, permettait une instantanéité et une sûreté de diffusion de l’information.
Le Président : On voit justement que le maire de l’Aiguillon avait été indisposé, car l’appel était un appel masqué. Dans la même mesure, dans l’après-midi, Monsieur Marratier n’est pas repassé à son bureau pour prendre l’information.
La France a 36.000 communes, 36.000 maires. Les briques sur lesquelles se construit ce dispositif sont de tailles limitées, et reposent beaucoup sur la disponibilité, la bonne volonté, la capacité de réaction des maires. Ils sont élus mais ne sont pas forcément disponibles partout. La plupart des communes organisent un système de permanence pour faire face à ce type de phénomène. On ne peut pas imaginer que l’Etat soit présent partout, il doit s’appuyer sur des relais locaux que sont les municipalités.
Le Président : Il est vrai que ce qui fait réagir le maire de l’Aiguillon est l’appel téléphonique de M. Jacobsoone, le soir de la tempête. Ce qui n’a pas été le cas de M. Marratier qui n’a pas été contacté. C’est donc un appel personnel, et non pas les messages automatiques, qui l’ont fait réagir.
Il y a une différence entre un phénomène massif et des risques plus localisés sur lesquels l’alerte peut être personnalisée.
Suspension d’audience
L’Assesseur : S’agissant de l’article R.110, dans le projet d’aout 2009, il est proposé de faire construire avec une élévation de 70cm par rapport au terrain naturel. Que pensez-vous d’une telle éventualité ? Le fait que dans le projet de 2009 soit évoqué une telle élévation ?
Je ne sais plus à quoi elle peut correspondre.
L’Assesseur : Est-ce qu’il n’y a pas un paradoxe entre ces atermoiements et le fait que la mairie soit assez prompte à réagir aux décisions préfectorales ?
Effectivement, sur des questions d’urbanisme, la commune de la Faute a montré une propension à ne pas suivre le contrôle de légalité des services du Préfet.
L’Assesseur : Ce balancement entre ce « jouer la montre » d’un côté, alors que d’un autre côté on est prompts à résister lorsque des intérêts sont en jeu ?
Il y a eu un contentieux. Les collectivités locales s’administrent librement, c’est un principe constitutionnel.
L’Assesseur : Sur le diagnostic de vulnérabilité, financé à 50%, ce taux est-il habituel ?
Je ne saurais pas vous dire, mais on a dû batailler pour obtenir le co-financement de cette étude. D’une manière générale, les études liées au PPRI ou à la problématique des risques étaient financées à 50% par l’Etat. On est dans la ligne de ce qui se fait.
Le Président : Est-ce que durant votre séjour à la Préfecture de Vendée, ce type de diagnostic de vulnérabilité a pu concerner une commune autre que la Faute ?
Uniquement la Faute.
Le Président : Est-ce que vous aviez été informé par vos services qu’à l’autonome 2007, la DDE avait commis une erreur sur le zonage et avait donc envoyé un permis de construire en zone rouge, octroyé à la mairie de la Faute-sur-Mer ; que la DDE s’était rendue compte de son erreur et avait demandé de manière amiable à la commune de retirer ce permis, ce qui n’avait pas été suivi ; que la Sous-Préfète a redemandé plus tard, de manière plus appuyée, et que malgré tout ce permis n’avait pas été retiré. Connaissiez-vous cet incident ?
Je n’en avais pas été informé à l’époque.
L’Assesseur : Vous avez indiqué que des travaux avaient été fait à Noirmoutier, sur une digue. Quel a été l’accent de l’Etat sur ces travaux ?
Comme tous les travaux sur les digues, ils doivent être autorisés par l’Etat. Il y avait un co-financement me semble-t-il, mais je ne m’en souviens pas exactement. Il y avait un projet présenté, j’avais un avis défavorable s’agissant de protection de la flore, je suis passé outre car l’impératif de sécurité primait.
L’Assesseur : Cet impératif de sécurité aurait-il pu permettre à l’Etat de faire accélérer les travaux sur la digue Est de la Faute ?
A ma connaissance, l’Etat a tout fait pour que ces travaux avancent le plus vite possible et c’est la municipalité qui a souhaité retarder.
Me GENTIL (partie civile) : Est-ce que vous avez été amené, sur les autres PPRI, à prendre des mesures d’application anticipées au vu des risques sur d’autres secteurs ?
J’ai été amené à approuver des PPRI pendant que j’étais là. Je n’ai pas le souvenir d’avoir pris un PPRI par application anticipée. La caractérisation de l’aléa, des zonages, des mesures à prendre était complexe.
Me GENTIL : On s’aperçoit que votre administration va avoir deux séries d’actions. Vous êtes un véritable lanceur d’alerte, car vous allez écrire de façon répétée au maire. Vous allez surtout lui demander un retour par rapport à cette mise en application anticipée. La réponse de la mairie est véritablement d’une sorte de dénégation concernant la pertinence même de la démarche. Parallèlement, vous avez parlé d’instruction continue : il y a donc des réunions en sous-préfecture, qui sont un petit peu répétitives. On a un peu l’impression qu’on tourne en rond, car autant l’Etat fait des propositions, autant en face il y obstruction sur la pertinence même du PPRI. À ce niveau de blocage, qui a duré 2 ans et demi et qui est tout de même particulier, on a un constat qui fait que lorsque vous partez, vos services en appellent à un arbitrage de votre part. Est-ce qu’on est vraiment dans la concertation, ou est-ce que vous n’auriez pas pu taper sur la table, user d’un pouvoir juridique pour imposer cette application ?
Ce pouvoir juridique avait été mis en œuvre. Sur la longueur de la concertation, il y a plusieurs facteurs qui influent. Je vous invite à lire la circulaire du 3 juillet 2007 du Ministre de l’Ecologie, qui a été une ligne de conduite et qui parlait d’élaboration concertée. Et il y a le facteur de passage de témoins chez les collaborateurs de l’Etat. Je réunissais mensuellement les chefs de service, ce dossier revenant régulièrement. J’ai demandé à plusieurs reprises l’enquête.
Le Président rappelle la teneur de la circulaire Borloo.
Le préfet compte tenu des moyens dont il dispose, doit prioriser son action. Il faut faire au plus urgent en utilisant les moyens à disposition, les techniciens, les ingénieurs… Là, il était important de mettre en place un PPRI, c’est pourquoi, mon prédécesseur a mis en œuvre les dispositions de celui-ci de manière anticipée. C’est en ce sens que les choses ont été conduites. Sur le fait que le PPRI n’ait pas été admis plus tôt… Je ne pense pas que cela aurait changé quelque chose.
Me GENTIL: La prescription principale, c’est à dire la hauteur de plancher par rapport à la cote de référence ne figurait pas dans le PPRI ? En vertu de la disposition R111-2, n’aurait-il pas fallu prendre un arrêté rectificatif ?
Cet article est robuste. Le fait d’y recourir ne me paraissait pas être un facteur de fragilité.
Me GENTIL: Autre point, sur le contrôle des projets d’urbanisme, la DDE va être en charge d’instruire les dossiers à la demande du maire, cette convention de mise à disposition ne fait pas de ses agents des décideurs, c’est un simple avis, le décideur demeure le maire, c’est bien cela ?
Oui.
Me GENTIL: Y-a-t-il eu lors de ces constructions des difficultés? Comment expliquer ces avis de la DDE ?
Les agents instructeurs sont de catégorie C et donc, en principe, ils sont compétents et rigoureux mais ils ont pu ne pas maitriser complètement les notions de cote de référence. Cela m’étonne car généralement ces services sont soucieux de bien faire.
Me GENTIL: Le problème n’était pas également dû au manque de moyens par rapport aux dossiers qui leur sont soumis? Ne faut-il pas revoir le système de délivrance des permis de construire ? Il faut laisser le contrôle de la légalité à l’Etat et l’instruction à un autre organe. Vous en pensez quoi?
Avec la reforme territoriale de l’Etat, j’ai fait le choix de faire cesser ce système que j’ai senti perfectible. La réforme de ce système au sein de mon service a été mise en œuvre le 1er janvier 2010. S’agissant des permis de construire délivrés dans ces zones dangereuses, je les aurais déférés si j’en avais eu connaissance.
Me GENTIL: Vous avez donné des instructions pour que vos services soient plus vigilants dans leur travail s’agissant de ces zones dangereuses?
Des zones ont été ciblées et dans la stratégie que j’ai établie, j’ai demandé que les zones en PPRI fassent l’objet d’un contrôle plus poussé. Les actes contrôlés faisaient l’objet d’un déféré en cas de difficulté. Sur la période qui nous intéresse des permis ont fait l’objet de déféré et d’annulation.
Me GENTIL: D’après votre sentiment personnel, qu’est-ce que Xynthia a changé par rapport à la prévention des risques notamment ?
Les élus peinent à intérioriser et à prendre en compte le niveau de risque dans leur commune.
Sur le cas particulier de Xynthia, c’est plutôt le Ministère de l’économie qui est responsable. Je crois que Xynthia aura servi dans les services de l’Etat, à ce que ces derniers soient encore plus ferment face aux élus qui n’ont pas la notion des risques.
Me DENIS: Nous sommes les conseils de l’AVIF, nous représentons 120 parties civiles. Vous avez rappelé qu’il incombe au Maire de prévenir les risques dans leur commune, donc l’adoption d’un PPRI est-elle une chance ou un handicap pour les Maires ?
Le PPRI est un outil pertinent qui échappe en partie aux mains du Maire.
Me DENIS: Je reformule, le Maire dont la commune est dotée d’un PPRI est-il mieux armé que celui qui n’en a pas ?
Ce document doit permettre de construire dans des zones où les gens seront prémunis contre les risques. C’est un outil pertinent qui apporte un plus dans les communes.
Me DENIS: Vous avez parlé d’un déni des élus de la Faute sur Mer ? Comment expliquer ce déni des élus face au risque d’inondation ?
Il y a une méconnaissance et une absence de prise en compte du risque car la perception de celui-ci n’a pas perduré. La mémoire collective s’est effritée avec le temps. Les catastrophes antérieures ont été oubliées. On est sur une zone conquise par l’Homme, la mer reprend ses droits.
Me DENIS: Dans une lettre adressée en aout 2007 à ses administrés, le maire disait qu’il n’y avait aucun risque, le maire a-t-il tout fait pour que la population de la Faute soit en sécurité?
Je ne peux pas dire oui, il y a eu une réelle hostilité à la mesure de contrainte.
Me SAINTAMAN: Comment qualifier l’action de l’ASA des marais sur la digue dont elle avait la maitrise de l’ouvrage ?
Le fonctionnement de l’ASA est souvent daté et elle a une responsabilité qui excède ses moyens eu égard à la taille des ouvrages. Dans l’avenir, je pense que les collectivités publiques devront reprendre en compte ces ouvrages.
Me SAINTAMAN: Lors de vos déclarations vous avez dit que l’action de l’ASA des marais était faible voire inexistante, vous le confirmez ?
Oui, je le confirme.
Me ROSENTHAL: Vous avez évoqué le rôle prépondérant du maire, l’article 17 de la loi de modernisation du 13 aout 2004 dispose que le préfet peut-être amené à prendre les mesures en cas de catastrophe de grande ampleur. En pratique cela s’effectue à la demande du maire ? Est-ce déjà arrivé ?
Il est naturel que le préfet prenne les rênes pour coordonner l’action lorsque la catastrophe est importante et là ça a été le cas. S’agissant de la sollicitation du maire cela arrive quand ça dépasse les limites de son territoire effectivement.
Le Ministère public : Vous avez répondu à une question sur le déni du risque que vous avez expliqué par l’effacement de la mémoire mais les événements ont été rappelés aux élus au cours de réunions avec les services de la DDE, au travers des études qui ont listés les événements, ou bien rappelés par des citoyens, certains habitants avec l’écho fautais ont rappelé les événements antérieurs or en dépit de cela le déni a persisté comment l’expliquer ?
Je crains que les comportements du maire et du conseil municipal prouvent que les mesures du PPRI les gênaient, il y avait une résistance de ces derniers.
Le Ministère public : Sur le contentieux administratif, est-il habituel pour une commune comme la Faute, de moins de 2000 habitants qui a de petits moyens selon les termes de monsieur MARRATIER que puisse être initié un contentieux administratif aussi volumineux?
Effectivement le niveau de combattivité de la Faute sur Mer est sans équivalent dans une commune de cette taille.
Le Ministère public: Certains éléments de contexte comme le désengagement de l’état sur certains projets, (ex: transfert de charge sur les collectivités publiques) ont-ils eu des effets sur les positions des services de l’Etat ?
Ce qui s’est passé à la Faute n’est pas propre à cette commune. Les services de l’Etat ont dû prioriser leur action, on ne peut pas faire autrement. Effectivement, les services de l’Etat ce sont sentis affaiblis par la circulaire de juillet 2007.
Me RAPIN: Vous avez indiqué qu’il pouvait y avoir un déni par un effacement de la mémoire et dans le même temps vous avez indiqué qu’il y avait un déni par rapport à une pression foncière. Or, il y a là un paradoxe ! L’effacement de la mémoire est un élément objectif tandis que la pression foncière est un élément subjectif ! On ne peut parler de ces deux éléments sauf si cette effacement de la mémoire est volontaire !
La pression foncière est objective compte-tenu des constructions réalisées et de la délivrance des permis. Je pars d’une présomption de bonne foi, selon moi, la réalité des évènements passés s’est estompée et donc les décisions ont été prises en méconnaissance des risques. Peut-être que je me trompe.
Le Ministère public : Vous avez dit que le maire était le premier responsable de la sécurité de sa population et que lorsque l’évènement dépasse les frontières de plusieurs communes, le préfet avait la charge de la coordination des mesures de sécurité ? Est-ce que cela dédouane le maire de sa responsabilité ?
La responsabilité du maire est fondée sur des règles très anciennes, l’action du préfet ne peut pas se substituer à celle du maire mais lorsque la catastrophe dépasse une certaine échelle notamment les limites d’une commune alors dans ce cas le préfet devient le coordonnateur des mesures.
Le Ministère public : Compte-tenu de la durée et des nombreux courriers du préfet ayant pour objet ce fameux PPRI, vous n’aviez pas les moyens d’imposer la décision de l’approbation du PPRI ? Au-delà d’un certain délai, on ne peut pas passer outre les réticences des élus et mettre en œuvre l’enquête publique puis l’approbation ?
En juin 2007, le PPRI a été approuvé et appliqué par anticipation.
Pour la défense:
Me CHARRIERE BOURNAZEL: En vous entendant, j’ai eu l’impression que vous parliez d’un état démuni face à un maire et à un conseil municipal qui avaient des prérogatives plus importantes ! Est- ce que vous avez le souvenir de la responsabilité assumée de la DDE à la place de la municipalité ?
Les petites communes ont le choix, elles peuvent rester soumises aux services de l’état et laisser à ce dernier la compétence de délivrer les permis de construire ou elles peuvent choisir d’élaborer elle-même un plan communalité ou un plan d’urbanisme, dans ce cas, elles délivreront les permis de construire, les services d’instructions de la DDE sont là pour soutenir le maire mais c’est à lui qu’incombe la responsabilité de ces délivrances.
Me CHARRIERE BOURNAZEL: Je ne comprends pas comment ma cliente non-professionnelle qui signait un papier par délégation peut se retrouver ici lors que les services de la DDE n’ont clairement pas fait leur travail !
Me SEBAN: Monsieur, nous sommes d’accord le PPRI est le document essentiel pour lutter contre les inondations ?
Je ne le définis pas comme tel c’est un document de prévention, il est là pour maitriser l’urbanisme notamment.
Me SEBAN: Le délai pour approuver le PPRI a-t- il été raisonnable?
A l’échelle nationale c’est toujours assez long et encore plus en cas de difficultés. Ce sont des documents qui appellent des études pointues, des échanges et des confrontations avec parfois de la résistance de la part des élus.
Dans le cas qui nous intéresse, la durée est effectivement excessive si c’est l’objet de votre question
Me SEBAN: Est-ce normal que lors de Xynthia la commune n’était pas dotée d’un PPRI? La chambre régionale des comptes dans son rapport a indiqué qu’il n’y avait aucun PPRI approuvé sur tout le littoral vendéen, est-ce qu’il y a eu un recours de la part des élus de la Faute sur Mer sur la mise en application anticipée du PPRI?
Non, pas de recours.
Me SEBAN: Cette dualité des rôles (instruction, contrôle) ne pose-elle pas un problème?
Oui, je l’ai dit à plusieurs reprises, les services instructeurs instruisent pour le compte du maire et ces derniers n’alertaient leur hiérarchie que si le maire ne suivait pas leurs instructions.
Me SEBAN: Le professeur GUZOT explique dans l’AJDA que l’on est tenté de rendre la décentralisation seule responsable mais il indique que les services de l’Etat ont le pouvoir de faire appliquer le PPRI peu importe l’avis de la commune, l’Etat n’est pas tenu par la décision du maire. Pourquoi aucun préfet en Vendée n’a pas imposé sa mise en œuvre ?
Mon prédécesseur a appliqué de manière anticipée les dispositions de ce PPRI.
Me SEBAN: La préfecture de Vendée avait-elle des problèmes de moyens, car c’est celle qui a fait le moins d’observation et de déféré? Vous êtes en dessous de la moyenne?
En Vendée, il y avait moins de difficultés que dans les autres régions.
Me SEBAN: L’évacuation des zones sinistrées n’a pas été envisagée lorsque Météo France lance son alerte rouge, elle n’est pas dans la culture française de prévention des risques?
Effectivement, La doctrine est plutôt de dire aux gens de rester à leur domicile.
Me SEBAN: Votre successeur s’étonnera parce qu’aucun des 282 maires du département n’ont appelé la préfecture après l’alerte rouge, cela vous étonne?
Ils n’appellent pas forcement en cas de problème pour éviter d’engorger les services de l’état mais en cas de difficultés les services de l’état sont à leur disposition.
Me SEBAN: La Cour des comptes dira dans son rapport que l’atlas de l’aléa de submersion marine a été peu utilisé, n’est-il pas suffisamment fiable? Vous vous êtes servi de cet atlas?
Je connaissais cet atlas, mes services ne m’ont pas fait part d’un changement de doctrine sur l’instruction des dossiers eu égard à cet atlas.
Me HENON: Sur la compétence du préfet dans le cas où l’évènement dépasse les limites d’une commune, la loi dit que le préfet est le seul compétent, c’est une compétence exclusive et non complémentaire. Quand vous arrivez en fonction, le PPRI est déjà appliqué de manière anticipée, or, des constructions ont été réalisées sur instructions de vos services dont on sait qu’ils ne pouvaient pas instruire correctement car ils n’avaient pas connaissance de la cote de référence ni de l’altimétrie.
J’avais demandé à mes services de cibler plus particulièrement les communes où il y avait un PPRI. Effectivement il y a eu un dysfonctionnement au sein des services d’instruction.
Me ROCHERON OURY: Vous avez indiqué que vous n’imaginiez pas que la côte de référence ne figure pas sur le PPRI, à cela s’ajoute le recours inopérant à l’article R.111-2… Si vous aviez été alerté par vos services auriez-vous fait corriger le PPRI et pris un autre arrêté rectificatif?
Je ne peux pas répondre à cette question mais oui, je pense que j’aurais demandé un examen.
Me ROCHERON OURY: Sur les travaux de la digue, je tiens à préciser que la DDE était l’assistante du maitre de l’ouvrage c’est-à-dire l’ASA des marais ! Une étude a été demandée à la suite de l’arrêté classant la digue comme intéressant la sécurité publique. Les conclusions de cette étude étaient qu’il fallait rehausser la digue sur le domaine publique maritime, or, vos services s’y sont opposés, selon eux, il fallait un empiétement sur le domine privé. Vous imaginez le contentieux, les difficultés, les expropriations ?
L’avis de tous les services de l’Etat était unanime, il fallait construire sur le domaine privé, d’autant que le camping était construit sur une zone dangereuse.
Me ROCHERON OURY: Cette étude commandée par l’ASA des marais préconisait un rehaussement des zones les plus basses, vos services eux avaient une autre lecture des priorités comment l’expliquer ?
Je ne peux pas y répondre je n’étais plus en poste à ce moment-là.
Me ROCHERON OURY: Xynthia a provoqué une inondation de la digue Est or les études avaient imaginé une inondation par rupture et non par submersion ?
La hauteur de submersion est supérieure au maximum esquissé sur les études fondée par le PPRI mais il est certain que cette submersion pouvait se produire.
Me ROCHERON OURY: Avant Xynthia vous pouviez imaginer un risque d’une particulière gravité ?
Oui, je savais que les personnes encouraient un risque notamment les personnes âgées et celles qui vivaient près de la digue.
Me ROCHERON OURY: Alors si vous saviez pourquoi ne pas être intervenu ?
Mais c’est l’objet du PPRI.
Me ROCHERON OURY: Vos services vous ont alerté d’un risque particulier d’atteinte à la personne humaine ?
Tous les PPRI sont fondés sur cela, le risque particulier d’atteinte à la vie humaine.
Fin de la journée. L’audience reprendra demain à 14H.
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